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Les grands traités du HuainanZi ou l'art de gouverner sous les Han

A l’aide des plus grands lettrés de son temps et de sa prestigieuse Cour, le Prince Liu An a synthétisé au IIe siècle avant notre ère, l’essentiel de la pensée de la dynastie des Han. Ils ont abouti aux 20 grands traités du Huainan Zi qui forment un tout remarquable, éclectique mais cohérent, hissé pendant longtemps au rang de « Classique » (Jing), indispensable à maîtriser par les élites de l’époque. Ils y abordent des thèmes aussi divers que le Tao, l’analyse du Ciel ou de la Terre, les esprits, l’art de bien gouverner, etc. Si le Huainan Zi accorde une place prépondérante à la pensée transcendante taoïste, les apports de l’idéal confucéen ou du réalisme cynique des légistes sont également largement présents, notamment dans les chapitres 13 et 18 de la remarquable traduction des sinologues Claude Larre, Isabelle Robinet et E. Rochat de la Vallée.

 

Les 200 citations ci-dessous ne concernent que les chapitres 1, 7, 11, 13 et 18 des grands traités du Huainan Zi.

· Concepts taoïstes

Le Tao, l’Un, le vide, la spiritualité

  1. Le souverain Tao donne la vie aux 10 000 êtres, il ne se les approprie pas. Il mène à terme leur évolution, il ne les domine pas. (Ch. 1)
  2. Le souverain Tao, en le surélevant, on ne le grandirait pas, en le renversant, on ne jetterait pas bas. En y ajoutant, on ne le ferait pas nombreux. En y retranchant, on ne le ferait pas moindre. Le tailler de l’amincirait pas, le décapiter de l’entamerait pas, le creuser ne l’approfondirait pas, le remplir ne le comblerait pas. (Ch. 1)
  3. Cercle qui échappe au compas, carré qui échappe à l’équerre. Ce grand mélange fait l’Un. (Ch. 1)
  4. Le vide absolu, c’est là que réside le Tao. Pour cette raison, quand on cherche dans l’extériorité, on perd ce qui touche à l’intériorité. Quand on se garde à l’intérieur, on s’oblige à perdre ce qui est extérieur. (Ch. 7)
  5. La formule : plus il s’éloigne, moins il connaît, s’applique aux esprits vitaux qu’on ne peut laisser se débaucher dans l’extériorité. (Ch. 7)
  6. La tête qui est ronde, figure le Ciel. Le pied qui est carré, configure la Terre. (Ch. 7)
  7. L’État spirituel rend parfaite la vision, parfaite l’audition, parfait l’accomplissement. La tristesse et les soucis ne peuvent plus nous assaillir. (Ch. 7)
  8. Les gens puisent l’eau pour arroser leurs jardins. L’eau du fleuve n’en éprouve aucun ressentiment. (Ch. 7)
  9. Le rond du Ciel défie le compas et le carré de la Terre, l’équerre. De l’Antiquité à nos jours, cela s’appelle les temps. Quatre directions avec le haut et le bas, cela s’appelle les espaces. Là se tient le Tao et nul ne sait où. (Ch. 11)
  10. L’obsession de se tenir dans le vide empêche d’être vide. À qui ne fera rien pour être vide, le vide ira de soi. (Ch. 11)

Le sans-forme

  1. Sans forme est l’ancêtre fondateur du visible. Sans son est l’ancêtre chef de fil de l’audible. (Ch. 1)
  2. Clarté et tranquillité sont l’état suprême de la vertu. Souplesse et douceur son l’assise sacrée du Tao. La sérénité et la vacuité d’un cœur content et joyeux permettent de retourner à la racine, de s’immerger dans le sans-forme. (Ch. 1)
  3. Evoquer le sans forme, c’est évoquer l’Un.L’un s’appelle ce qui est sans égal sous le Ciel. En haut, il communique avec les neuf cieux, en bas il relie les neuf étendues terrestres. (Ch. 1)

Le retour à l’origine

  1. Dans la contemplation parfaite, on s’éveille, on préserve en soi l’authentique, on comprend que les êtres ne sont plus rien, seule la vie propre a du prix, on attend l’ultime, on fait retour au motion personnel, on se saisit de la grande prescription. (Ch. 1)
  2. Plonge jusqu’à la racine d’où l’homme tire son essence. Ainsi l’homme entretient-il et économise-t-il son esprit vital, tient en paix Hun et Po, ne s’aliène pas dans les êtres. (Ch. 7)
  3. Le tout premier ancêtre rassemble les coutumes propres à tous les pays, les ramenant à l’Un, qui est leur Racine. Il remonte à l’Art du cœur, pour discipliner les émotions de la nature propre, pour abriter la merveille spirituelle d’un équilibre dans la clarté. (Ch. 12)
  4. Comme le potier lorsqu’il façonne l’argile, la terre qu’il sépare de la masse pour en faire un vase ne diffère en rien de celle qu’il ne prend pas. Devenu ustensile, elle sera un jour brisée et ses morceaux éparpillés. Elle retournera à sa condition première et sera toujours semblable à ce qu’elle fut quand elle était un vase. (Ch. 7)
  5. Haut est bas se tournent l’un vers l’autre, court et grand prennent forme l’un de l’autre. (Ch. 11)

Le non-agir

  1. Le bon artisan pénètre la merveille dans l’obscur. Au comble de l’accord avec les esprits, main et cœur se meuvent librement parmi les innombrables vides sans jamais être arrêté par les limites des êtres. Cela même un père ne peut l’enseigner à son fils. (Ch. 11)

Le Yin/Yang

  1. Malheur et bonheur ont même porte, avantage et dommage sont voisins. (Ch. 18)
  2. Parfois, qui perd gagne, parfois qui gagne perd. Comment le sait-on ? (Ch. 18)
  3. Les racines d’un arbre qui fructifie deux fois seront forcément affaiblies. Tous les hommes savent considérer un profit comme un profit et un mal comme un mal. Seul le Saint sait que le mal est un profit et le profit un mal. (Ch. 18)
  4. Fortune et malheur s’engendrent l’un l’autre. Leurs vicissitudes sont difficiles à prévoir. (Ch. 18)
  5. Si on compte sur le bonheur, il n’arrive pas. Si on prévoit le malheur, on l’amplifie. (Ch. 18)

Le silence

  1. Il n’y a que le silence qui nous rendent à nous-mêmes. La tranquillité est l’état de nature que le Ciel a donné à l’homme. Mais toute excitation inflige à cette nature un dommage au contact des êtres. (Ch. 1)

La vie, la mort

  1. Les esprit légers et subtils sont propriété du Ciel et l’ossature corporelle, propriété de la Terre. Les esprits légers et subtils repasseront leur porte, les ossements retourneront à leur racine. (Ch. 7)
  2. Après tout, la vie c’est peut-être les travaux forcés et la mort, le repos. (Ch. 7)
  3. J’aime la vie, mais je n’en fais pas une affaire. Je n’aime pas la mort mais je ne la récuse pas. Né vilain, je ne déteste pas mon sort. Né noble, je ne m’exalte pas. Je suis la disposition du Ciel et, serein, je m’en contente. (Ch. 7)
  4. Vivant, un individu n’ajoute guère à la foule des êtres. Mort, il n’augmente pas tellement l’épaisseur de la Terre. (Ch. 7)
  5. La vie est envoi en mission et la mort le retour. Y a-t-il là de quoi troubler ma paix intérieure ?. Mort et vie reviennent au même, changements et transformations se valent. (Ch. 7)
  6. Qui a compris la grandeur des espaces et des temps, ne se laisse plus obséder par la mort et la vie. Et celui qui sait entretenir le principe vital, connaissant ainsi l’harmonie, n’a plus d’intérêt pour l’empire. Qui a connu la joie d’avant la vie ne peut plus craindre la mort. (Ch. 7)

La nature

  1. Fais entendre les cycles des changements et transformations, harmonise les souffles Yin et les souffles yang, règle le rayonnement du soleil et de la lune selon les périodes de l’année. (Ch. 2)
  2. Ramène à l’identique tous les êtres vivants, avec leurs défauts ou qualités. (Ch. 11)
  3. Pour, à l’usure, détruire le solide, elle est sans rivale. Car rien au monde n’est cédant est souple comme l’eau. (Ch. 1)
  4. L’arbre meurt quand ce qui le fait verdoyer l’a quitté. Comment croire alors que ce qui a produit l’arbre, c’est l’arbre lui-même ? De même, ce qui remplit le corps n’est pas lui-même, corporel. Ainsi donc, ce qui fait vivre ne mourra jamais, c’est ce qu’il aura produit qui mourra. (Ch. 7)
  5. Lorsqu’un empereur sincère sait recevoir et garder le Tao et se mettre en accord avec la grande harmonie, toute la flore et toute la faune en reçoivent les bienfaits. (Ch. 13)
  6. Qui tient l’observation de la nature pour sagesse, connaît les mécanismes de l’existence et de sa disparition, les portes du bonheur et du malheur, et les utilisent. Sachez ce qui est vrai, les affaires alors marcheront sûrement et il n’est pas de chemin au monde que vous ne pourrez parcourir. (Ch. 18)

Suivre sa propre nature

  1. Il y a bien 10 000 manières d’être dissemblables mais chacun s’accorde à sa nature propre. (Ch. 1)
  2. Les êtres s’adaptent aux lieux où ils sont, les 10 000 êtres procédant de la spontanéité naturelle. Comment les Saints auraient-ils à s’en mêler ? (Ch. 1)
  3. Quand les arbres sont transplantés, ils se flétrissent et meurent tous uniformément. Forme et nature, on ne peut les changer. (Ch. 1)
  4. Faites l’éloge d’une vertu sublime et d’une noble conduite, beaucoup se délectent de l’idée, peu la mettent en pratique. Beaucoup désirent agir de même, peu passent aux actes. La raison en est l’incapacité de revenir à sa nature propre. L’intérieur, mû, non par le centre mais par l’éducation forcée. En quoi est-on différent du sourd qui se met à chanter ? Il imite ce que d’autres font, sans se faire plaisir à lui-même. (Ch. 1)
  5. L’assise sacrée de l’empire n’est pas dans les autres, elle se trouve en moi-même. Que je possède ma propre personne et le bien des 10 000 êtres sera assuré. (Ch. 1)
  6. Pour nous, posséder l’empire ce n’est pas cela. C’est la possession de soi et rien d’autre. Moi, l’empire, nous nous possédons l’un l’autre dans un face-à-face éternel. Quand on parle de la possession de soi, on entend être Un avec le Tao. (Ch. 1)
  7. Parce qu’elles s’en tiennent à leur nature propre et qu’elles ne la quittent jamais, les colonies de bestioles asexuées, qui rampent, qui grouillent, savent ce qu’elles aiment et ce qu’elles n’aiment pas, ce qui leur est bon et ce qui leur nuit. (Ch. 1)
  8. La place que nous occupons sous le Ciel est celle d’un être entre 10 000. Je ne puis savoir si le monde sous le Ciel a besoin de moi. (Ch. 7)
  9. Le producteur-transformateur me façonne, moi, de l’argile. Ai-je le moyen de m’opposer ? (Ch. 7)
  10. Puis vient l’époque de la décadence. La joie qui vient du cœur est réprimée par les rites. Extérieurement, on entrave le corps. À l’intérieur, la vertu est étouffée. On étrangle l’harmonieux écoulement Yin Yang, on violente sa nature et sa destinée et l’on fabrique des gens tristes à longueur de vie. (Ch. 7)
  11. N’allant pas à ce qui produit le désir, les lettrés interdisent nos désirs. Incapables de remonter à l’origine de la joie, les lettrés ferment la porte à ce qui produit la joie. Dans ces conditions, croit-on qu’on puisse les élever et assurer leur longévité ? (Ch. 7)
  12. Étant donné la diversité des formes et la spécificité des natures, ce qui ravit l’un afflige l’autre et ce qui rassure l’un inquiète l’autre. (Ch. 11)
  13. Ne mettez pas un poisson dans un arbre, ne plongez pas un oiseau dans l’abîme des eaux.
  14. A chaque type de terrain, l’occupation qui lui convient. Pour chaque occupation, l’outil adéquat. Pour chaque outil, comment en user. Et pour le maniement, la bonne personne. (Ch. 11)
  15. Comme quand tombent à terre les pièces d’un échiquier, celles qui sont rondes roulent tout en bas tandis que les carrées s’arrêtent plus haut. Les unes et les autres livrées à leur mouvement naturel, comment y voir une hiérarchie ? (Ch. 11)
  16. La nature de l’homme est son étoile polaire. (Ch. 11)
  17. Quand les oiseaux volent en rangs et que les quadrupèdes restent en troupeau, quelqu’un le leur a-t-il enseigné ? (Ch. 11)
  18. Si on refuse ce qu’on ne peut pas faire et accepte ce qu’on peut faire, alors on acquiert une position de force qui ne peut être ni diminuée ni détruite et une fonction où l’on réussira en tout. (Ch. 18)

La vigilance, l’observation

  1. Examine à fond tout étendue du Sud au Nord, embrasse toute l’ampleur d’Est en Ouest. (Ch. 3)
  2. Après avoir dégagé le sens humain des choses, pris dans un infini emmêlement, nous pouvons saisir clairement les stimulations qui viennent des êtres selon leur espèce. (Ch. 6)
  3. Du sommet des remparts, on prend un bœuf pour un mouton. Si l’on observe son visage dans l’eau d’une bassine, il est rond. Mais dans un bol, il est ovale. Les différences sont dues aux moyens d’observation. (Ch. 11)
  4. Le Saint voit les indices annonçant la conservation et la destruction, ainsi que la frontière entre le succès et la défaite. (Ch. 13)
  5. Personne ne trébuche sur une montagne, mais on trébuche sur une fourmilière. Les hommes prennent les petits dommages à la légère, minimisent les choses puis le regrettent grandement. (Ch. 18)
  6. Le sage porte attention aux petites choses, veille à ce qui est infime, prend garde aux multiples facettes d’une affaire. Et ainsi le malheur ne s’étend pas. (Ch. 18)
  7. Un maître d’équipage avertit un jour le duc. Vos deux fils se haïssent et je crains que ce désaccord ne mette le pays en danger. Il vaudrait mieux en éloigner un. Le duc n’écouta pas. Peu après, l’un des fils mit à mort son frère dans la cour centrale et tuas le duc en pleine audience. Ceci est arrivé par manque d’attention aux petites choses. (Ch. 18)
  8. Quand un mur tombe, c’est qu’il était fêlé. Quand une épée se brise, c’est qu’elle avait un défaut. Le Saint voit ce qui est caché, c’est pourquoi, rien ne peut le meurtrier. (Ch. 18)
  9. La pie sait d’avance les années où il y aura grand vent. Elle quitte alors les branches hautes et fait son nid dans les branches basses. Alors les hommes en passant prennent les oisillons et les enfants chipent les œufs. Elle sait se prémunir contre les difficultés lointaines et oublie le malheur proche. (Ch. 18)

Le temps

  1. Vouloir dans le tourbillon des transformations aller plus vite que le siècle, c’est vouloir échapper à la pluie qui tombe. Il n’y a simplement pas un endroit où l’on ne soit mouillé. (Ch. 11)
  2. Ceux qui savent aller lentement pour arriver vite, marcher lentement pour être rapide, sont proches du Tao. (Ch. 18)

Les émotions, les désirs, le lâcher-prise

  1. Attraits et aversions apparaissent. La connaissance se laisse entraîner à l’extérieur. Ainsi est empêché le retour à soi et la raison naturelle s’éteint. (Ch. 1)
  2. Excitation joyeuse et colère sont les perversions du Tao, accablement et tristesse sont des pertes de la vertu, attrait ou aversion sont des excès du cœur, convoitise et désirs sont un embarras pour la nature propre.En l’homme la colère violente fait éclater le yin. Une joie trop vive fait s’effondrer le yang. Effroi et terreur provoquent la folie. Accablement et tristesse amassent les rancœurs. Et pour finir combien de maladies ! Attraits et aversion s’emmêlent et enchaînent les malheurs sans fin. (Ch. 1)
  3. La musique éclate et vous voilà tous joyeux ! Le chant s’achève et vous voilà tout attristé ! Dépression et exaltation font une ronde, en naissant l’une de l’autre. On ne connaît plus un instant de repos. (Ch. 1)
  4. Les hommes aux appétits voraces et aux passions dévorantes n’ont qu’une ambition : dépasser les autres par leur habilité et s’installer sur les hauteurs de la société. Avec ce résultat que leurs essences et leurs esprits diminuent tous les jours un peu plus.
  5. Ce qui fait qu’un prince souverain cause la ruine et la perte de sa principauté, c’est toujours parce qu’il n’est pas capable d’être sans désirs. (Ch. 7)
  6. Par nature, l’homme tend à un équilibre paisible, mais désirs et convoitises le détruisent. Seul le Saint est capable de se détacher des êtres pour faire retour au Soi. Sans ce regard sur soi, au moindre choc, il est profondément perturbé. (Ch. 11)
  7. La corde du luth est bien l’instrument qui provoque la tristesse mais elle n’est pas la raison d’être de cette tristesse. (Ch. 11)
  8. Dans la prospérité, les désirs diminuent et l’effort vers la sérénité fait cesser les querelles. (Ch. 11)
  9. Parfois, il suffit qu’on désire une chose pour la perdre ou qu’on cherche à l’éviter pour qu’elle arrive. Un homme était en bateau lorsqu’un vent violent s’est levé, les vagues étaient hautes. Il s’est alors jeté à l’eau, non pas qu’il ne voulait plus vivre, mais bien qu’il avait peur de la mort. Voilà comme on perd parfois la vie par crainte de la mort. Ainsi en est-il des désirs des humains. (Ch. 13)
  10. Le Saint s’applique toujours aux choses quand elles n’ont pas de forme et ne s’attarde pas à penser ni n’épuise sa réflexion sur ce qui est déjà accompli. De la sorte, les ennuis et les malheurs ne peuvent le meurtrir (Ch. 18)
  11. Si un chanteur chante un air et qu’un rustaud l’entende, il trouve que cela ne vaut pas les chansons qu’il préfère. Ce n’est pas que le chanteur soit mauvais, mais que les auditeurs sont différents. Lorsque les choses ne s’accordent pas, le Saint ne lutte pas. (Ch. 18)

La santé

  1. Quand les esprits règnent en maîtres, le corps suit et l’on prospère. Quand le corps impose sa loi, les esprits suivent et l’on se dégrade. (Ch. 1)
  2. Plus essences et esprits, souffles et vouloir, demeurent dans la quiétude, plus ils deviennent abondants et robustes. (Ch. 1)
  3. Plus vive est la flamme et plus fond la chandelle. (Ch. 1)
  4. Sang et souffles sont la fleur de l’homme mais les cinq viscères en sont l’essence. (Ch. 7)
  5. Seuls ceux qui ne vivent pas pour vivre obtiennent la longue vie. (Ch. 7)
  6. Le cœur est le souverain du corps et l’esprit, le joyau du cœur. Le corps qui peine sans s’arrêter s’effondre. L’essence qui se dépense sans trêve s’épuise. (Ch. 7)
  7. Le Saint mange ce qu’il faut pour maintenir ses souffles, s’habille simplement pour couvrir son corps, gouverne ses émotions et n’en demande pas toujours plus. Posséder ou ne pas posséder l’empire c’est tout un. (Ch. 7)

Mozi

  1. L’amour universel, la considération pour les sages, le respect des esprits et le refus du fatalisme, c’est ce que Mozi a institué. (Ch. 13)
  2. En ce temps-là, les hommes courageux, remarquables, éminents et extraordinaires, enduraient soleil et gelée dans les Landes et les marais. En ce temps-là, les prêcheurs confucianistes et moïstes aux riches vêtements et aux amples ceintures étaient considérés comme des dégénérés. (Ch. 13)

L’Homme parfait, le Saint (en dessous de l’Homme parfait)

  1. L’homme grand, calme et sans préoccupation, indifférent et sans projet, du Ciel fait son dais et de la terre sa caisse de char. Des quatre saisons, il fait son attelage et du Yin/Yang son cocher. (Ch. 1)
  2. Celui qui est parvenu au Tao ne veut pas échanger une conduite céleste pour une humaine. Extérieurement, il accompagne l’évolution des êtres mais à l’interne, il ne perd rien de sa disposition propre. Parvenu au rien, il assigne aux êtres leurs étapes. (Ch. 1)
  3. C’est parce qu’il ne rivalise avec aucun des 10 000 êtres qu’aucun ne peut plus rivaliser avec celui qui est parvenu au Tao. (Ch. 1)
  4. Celui qui parvient au Tao revient à ce qui est pur est tranquille. Il nourrit son être de calme. (Ch. 1)
  5. Les parfaits cachent l’éclat de leurs esprits, font disparaître les insignes de leur dignité. Ils adoptent les manières de tout le monde. Sans rien réclamer pour eux-mêmes, ils écartent séduction et attachement, extirpent désir et convoitise, ils découragent le calcul et l’ambition. (Ch. 1)
  6. Faire grand cas du Soi et aucun de l’empire sous le Ciel, c’est peut-être très proche du Tao. (Ch. 1)
  7. Qui peut parvenir à l’absence de joie, trouve la joie en tous points et qui trouve la joie en tout accède assurément à la joie parfaite. (Ch. 1)
  8. Assurés en nous-mêmes par la possession du Tao, nous ne dépendons plus du train des 10 000 êtres. (Ch. 1)
  9. Ce que nous entendons par « possession de soi-même », c’est que nos dispositions, entre nature propre et destinée, se tiennent dans ce qui fait le repos. (Ch. 1)
  10. Par homme authentique, on entend un homme dont la nature se confond avec le Tao. Pour lui, le déterminé est comme le non-déterminé, le substantiel comme le vide. Placer dans son Un, il ignore son Deux. Absorbé dans le soin de son intérieur, il ignore ce qui lui est extérieur. Candeur illuminée et simplicité première, il pratique le non-agir. Pour randonner aux limites du Ciel Terre, comme absent, il vogue à son gré par-delà ce monde de poussière. Il plonge son regard dans ce qui est sans défaut et ne se laisse pas contaminer par les êtres. Il va et vient, imprévisible et soudain. Son corps est comme un bois mort, son cœur comme une cendre éteinte. Il sait sans apprendre, voit sans regarder. Il embrasse la grande pureté où il s'enracine. Il ne se prête pas à l’émotion est nul être ne peut le troubler. Vide, pur et serein, sans préoccupation et sans pensée.Il regarde la vie et la mort comme simple transformation dans l’Un, chacun des 10 000 être comme simple distinction au sein de l’un. Son sommeil est sans rêve. (Ch. 7)
  11. L’homme authentique s’ébat à loisir aux plages du sans forme. Les âme Gwei font leurs corvées, et les esprits Shen sont à leur service. (Ch. 7)
  12. Quant aux prétendus ébats des hommes authentiques : respiration normale, respiration profonde, rejet des souffles viciés, inhalation de souffles frais, balancement à la manière des ours, marche fléchie à la manière des gibbons, œil fixe à la manière des chouettes, regard soutenu à la manière des tigres, c’est la pratique de ceux qui ne s’occupent que du corps. Il n’y a pas à s’en émouvoir. (Ch. 7)
  13. L’homme parfait dont nous parlons ne mange qu’à la mesure de son ventre, ne s’habille qu’à la mesure de son corps. Il est parfaitement à l’aise dans tout ce qu’il fait, il agit en fonction des circonstances. Il fait largement le bien au monde sous le Ciel, il ne pille pas les 10 000 être à son profit, il est aussi bien à sa place dans un magnifique palais qu’errant dans la campagne déserte de l’illimité. Il monte jusqu’au suprême Auguste, il s’appuie avec confiance au Grand Un, il joue avec le Ciel-Terre qu’il tient dans le creux de sa main. Qu’aurait-il à faire de pauvreté ou de richesse, de maigrir ou de grossir ? (Ch. 7)
  14. C’est par la totale possession d’eux-mêmes que les Saints rois de l’Antiquité ont transmis leur réputation à la postérité. (Ch. 11)
  15. Ceux qui se fournissent au Tao pour comprendre les êtres n’ont rien qui les opposent entre eux. Il en va comme des champs irrigués par un réservoir commun : tous reçoivent de l’eau également. (Ch. 11)

La gouvernance juste et vertueuse

  1. Le seigneur fait en sorte que les officiers s’acquittent de leur travail, chacun au mieux de ses compétences. Son gouvernement écarte les égoïsmes, agit de telle manière que toute son administration œuvre méthodiquement en bonne collaboration. (Ch. 9)
  2. Les affaires de l’empire sous le Ciel ne relevant pas de l’agir d’interférence, on les poussera dans le sens où elles vont déjà. (Ch. 1)
  3. Ceux qui en font trop sont ceux qui régulièrement prennent les coups, comme ceux qui se battent pour le profit sont ceux qui tombent généralement dans la misère. (Ch. 1)
  4. Le succès dépend de l’occasion favorable et ne va pas au plus combatif. (Ch. 1)
  5. Savoirs et calculs tourmentent le cœur et n’accomplissent rien. (Ch. 1)
  6. Le Saint est là, sans gouverner et tout se trouve gouverné. Ne pas agir c’est ne pas devancer le mouvement des êtres. L’agir s’appuie sur le mouvement des êtres. J’appelle «sans gouverner » le naturel qui n’est pas altéré. Ce que j’appelle « tout se trouve gouverné », c’est s’appuyer sur l’affinité mutuelle des êtres. (Ch. 1)
  7. Celui qui occupe une position élevée ne trouve d’assise qu’en s’abaissant. On se confie à ce qui est petit pour embrasser ce qui est grand. On se tient au centre pour réagir ce qui est à l’extérieur. On pratique le mou pour parvenir au dur, on use de faiblesse pour devenir puissant. On accompagne l’évolution, poussant dans le sens où les choses changent. (Ch. 1)
  8. Qui se veut dur, qu’il se garde par la douceur. Et qui se veut puissant, qu’il se protège par la souplesse. (Ch. 1)
  9. Les dents, plus solides que la langue, se détériorent avant elle. Souplesse et douceur sont tronc de la vie. Celui qui entonne le chant et marche en tête périt en chemin. Mais qui marche derrière parvient au but fixé à l’origine. (Ch. 1)
  10. Le Saint fait en sorte que chaque citoyen occupe sa place, se garde à l’intérieur de sa fonction, sans que se produise aucune interférence. (Ch. 1)
  11. Le Saint embrasse les règles du comportement féminin. Il va avec le courant et répond aux changements. (Ch. 1)
  12. Le Saint communique avec la secrète animation du Ciel. De sorte que ni les honneurs ou l’abjection, la pauvreté ou les richesses, la peine ou la détente, ne saurait affecter sa force de caractère. (Ch. 1)
  13. Qui a trouvé le Tao laisse l’or enfoui au creux de la montagne. Il ne tire pas profit des biens et de la richesse, il ne convoite ni le pouvoir ni la renommée. (Ch. 1)
  14. Les Saints prennent le Ciel pour modèle et suivent leurs dispositions individuelles, ne se laissant pas séduire parce ce qui n’est que de l’homme. Ils font du Ciel leur père, de la Terre leur mère, du Ying et du yang leur corde maîtresse et des quatre saisons leur fil conducteur. (Ch. 7)
  15. Le Saint par le vide accueille les réalités. Libre et joyeux, vide et paisible, ainsi accomplit-il sa destinée. Il en résulte que rien ne lui sera tout à fait étranger. Rien non plus ne lui tiendra absolument à cœur. Il couve les êtres par sa vertu, leur communique une douce chaleur. (Ch. 7)
  16. L’empire n’est la grande affaire que si l’on se donne à tous. (Ch. 7)
  17. Quand les affaires évoluent dans le cadre de leurs possibilités, elles sont aisées à réaliser. Mais des conduites trop rigoureuses éloignent les masses. (Ch. 11)
  18. On ne gouverne les êtres que pour faire régner la bonne intelligence. Cette bonne intelligence n’est pas pour elle-même mais pour le bien des gens. On gouverne bien les gens, non pas pour eux-mêmes mais pour le prince. Le prince ne gouverne pas pour lui-même mais pour les tendances. Les tendances ne sont pas gouvernées pour elle-même, mais pour les natures propres. Ces natures propres ne sont pas pour elles-mêmes, elles sont pour la vertu. La vertu n’est pas pour la vertu, mais pour la Voie. (Ch. 11)
  19. Qu’on ne force pas un homme à ce dont il est incapable. Qu’on ne lui fasse pas interrompre ce qu’il ne peut arrêter. Quand on fixe les règlements avec justesse et opportunités, il n’y a pas de place pour le blâme ou l’éloge. (Ch. 11)
  20. Dans un pays en proie au désordre, les conduites contredisent les discours et le visage montre tout le contraire de ce qu’on ressent. (Ch. 11)
  21. Sous un bon gouvernement, pas de cumul des charges ni de fonctionnaires qui s’occupe de tout en même temps. Lettrés, paysans, artisans et marchands se cantonne chacun dans leur territoire respectif. Chacun se livre paisiblement à ce qui concerne sa nature, sans empiètement mutuels. (Ch. 11)
  22. Qui estime le poids d’un objet à 1/1000e d’onces près, le Saint n’en a que faire. Il s’en remet au fléau de la balance. Qui apprécie la hauteur d’un objet au pied et au pouce près, le monarque éclairé ne l’engage pas. (Ch. 11)
  23. Quand une entreprise est dans le mouvement de l’époque, elle s’accomplit avec succès. Et quand on agit au bon moment, on devient célèbre. (Ch. 11)
  24. Dans un pays gouverné selon le Tao, les supérieurs n’accablent pas de directives, les fonctionnaires ne harassent pas de règlements. (Ch. 11)
  25. Les lois de Shennong disaient : Quand les hommes adultes et robustes ne labouraient pas, l’empire sous le Ciel souffrait de famine. Quand les femmes dans la force de l’âge ne tissaient pas, l’empire sous le Ciel subissait le grand froid. Ceux qui ne prenaient pas la peine de labourer n’avaient rien pour se nourrir. Et celles qui ne se donnaient pas la peine de tisser n’avaient rien pour s’habiller. Chacun connaissait l’abondance et le manque selon ses mérites. Et comme on regorge de vêtements et nourriture, fourberie et malice n’apparaissaient pas. C’était le contentement paisible, la joie sans affairement. (Ch. 11)
  26. Quand tout va bien, on est bon même pour les pays voisins et on fait tout ce que l’on peut pour eux. Mais quand on est soi-même en danger, on oublie jusqu’à ses proches sans y pouvoir mai. Celui qui nage ne peut venir en aide à qui se noie. (Ch. 11)
  27. Sous un bon gouvernement, même les hommes de peu respectent le pouvoir et ne se laissent pas séduire par l’appât du gain, alors qu’en période de désordre, même les gens de qualité sont fourbes et aucune loi qui puisse l’empêcher. (Ch. 11)
  28. Quand on exerce les arts militaires, on rejette les civils et inversement. On considère les arts civils et militaires comme s’excluant mutuellement et on ne sait pas les utiliser chacun en leur temps. C’est ne voir qu’un pan des choses et ignorer l’immensité des huit horizons. (Ch. 13)
  29. Qui possède la voie royale, fut-il petit, deviendra grand. Qui incarne la destruction, eût-il tous les succès, déclinera. (Ch. 13)
  30. Comportement, tromperie, affaires, renommée, le Saint est seul à considérer ces quatre points et à y attacher son attention. (Ch. 13)
  31. La puissance d’un pays ne suffit pas à l’assurer contre son anéantissement. Si le Tao il est pratiqué, il ne peut être pris à la légère même s’il est petit. La conservation tient à ce qu’on suit le Tao et non à la puissance, et la destruction dans la perte du Tao et non dans la petitesse. (Ch. 13)
  32. Qui sait le gouvernement des affaires, ne se perd pas dans les détails. Le savoir-faire, c’est observer un signe et percevoir son aboutissement, empoigner l’essentiel et contrôler les détails, savoir où l’on se dirige, savoir ce que l’on tient, connaître la cause. (Ch. 18)
  33. Les affaires sont difficiles à réussir, faciles à rater. Le renom est difficile à établir, facile à perdre. (Ch. 18)
  34. Il est trois dangers dans le monde : être de peu de vertu et être très en faveur est le premier. Avoir peu de talent et un haut rang, voilà le second. Avoir peu accompli et recevoir de forts émoluments, c’est le troisième. (Ch. 18)
  35. Où séjournent des armées ne poussent que des épines. (Ch. 18)
  36. C’est pourquoi les affaires sont difficiles, c’est que ceux qui savent en taisent les principes, cachent leurs traces, donnent la primauté à l’égoïsme sur l’intérêt public et ainsi l’emportent dans l’esprit des hommes qui doutent. (Ch. 18)
  37. Si on faisait en sorte que ce que les hommes gardent à l’intérieur soit visible à l’extérieur et que les deux coïncident, alors dans le monde, il n’y aurait pas d’État qui disparaîtrait ni de famille qui péricliterait. (Ch. 18)
  38. Au printemps, le peuple travaille au labour. En été il Chine à sarcler. En automne il fait la moisson. En hiver il n’a rien à faire. Lui faire abattre des arbres et les empiler, puis les porter pour les faire flotter sur la rivière en hiver, c’est faire travailler le peuple sans lui laisser de repos et l’épuiser. Même s’il est rentré son triple, à quoi cela sert-il ? (Ch. 18)
  39. Ce conseiller est un homme habile mais sans humanité. Si je le récompense, c’est récompenser un homme habile et il arrivera à ses fins. Mais les hommes de l’empire abandonneront alors la vertu d’humanité au profit de l’habilité. Je gagnerai des territoires, mais à quoi cela servira-t-il ? (Ch. 18)
  40. Sans hauts faits, ne vous en attribuez pas. Sans juste renom, n’en usurpez pas un. Un renom sans fondement ne dure pas. Une fortune et un rang sans mérite ne demeurent pas. Qui usurpe son renom va à sa perte. Qui s’arroge les hauts faits d’autrui court à l’échec. Gagner un grand profit sans mérite entraînera un dommage. (Ch. 18)

Les discours

  1. Qu’est-ce que des « propos choquants à l’oreille et rebutants pour l’esprit mais qui s’accordent à la réalité » ? Dire « gros poisson de mer » est plus efficace que de faire renoncer à ériger une capitale. (Ch. 18)
  2. Si 10 000 personnes harmoniser les cloches, elles ne parviennent pas à les accorder. Il en suffit d’une qui sache vraiment le faire. Il en est de même pour les discours. (Ch. 18)
  3. Quand on pousse un homme à l’action et qu’on ne réussit pas à le mettre en mouvement, qu’on cherche à le prévenir et qu’on ne réussit pas à l’arrêter, cela vient de ce qu’on utilise pas la bonne raison. C’est pourquoi de nombreux discours sont inutiles, il suffit de réfléchir à celui qui fera mouche. (Ch. 18)

Les rites

  1. Limite rites et respect des devoirs à ce qu’il convient de faire. (Ch. 11)
  2. Humanité et devoirs une fois établis, ni le Tao ni sa vertu ne se retrouvent plus. Rites et musique n’étant plus que parade, la pureté et le brut disparaissent. (Ch. 11)
  3. Quand on en arrive à créer des rites et des devoirs, en estimer plus que biens et richesses, les germes de l’hypocrisie et de la tromperie commencent à sortir. (Ch. 11)
  4. Les rites permettent de distinguer les gens honorables et les humbles gens et de marquer la différence entre nobles et vilains. Mais à l’époque actuelle, les rites ne sont plus que respect et déférence pour mieux se nuire. (Ch. 11)
  5. Les rites et les coutumes ne sont pas de la nature innée de l’homme mais lui viennent de l’extérieur. (Ch. 11)
  6. La profusion des rites ne suffit guerre à susciter l’amour, mais un Cœur sincère s’attire l’affection même des plus éloignés. (Ch. 11)
  7. Si on pratique les prescriptions du rituel et des prises de position partisanes, on trouble son cœur. (Ch. 11)
  8. Quand les institutions des anciens rois ne conviennent plus, elles sont écartées. C’est pourquoi, ni les rites ni la musique ne sont jamais immuables. Le Saint légifère en accord avec son époque et change les rites conformément à l’évolution des usages. (Ch. 13)
  9. La loi, les édits, les rites et le devoir sont des instruments pour gouverner les hommes et non ce par quoi le Saint doit être gouverné. (Ch. 13)
  10. On ne peut faire de projet à long terme avec ceux qui sont régis par les lois, les hommes bridés par les rites ne peuvent s’adapter au changement. Les lois et les édits changent avec les époques. Les rites et la musique se modifient avec les mœurs. (Ch. 13)
  11. Lorsqu’on se trouve dans des cas d’urgence intense ou de contraintes extrêmes, les rites sont inutiles. (Ch. 13)

Les lois

  1. Le changement des mœurs, la modification des coutumes, n’est-ce pas plutôt le cœur qui seul les réalise ? Comment l’arsenal des lois et des châtiments serait-il suffisant pour y parvenir ? (Ch. 1)
  2. L’abus du fouet qui s’abat sur l’attelage n’est pas la façon qui permet d’aller loin. (Ch. 1)
  3. Comment se fait-il que le peuple ne se laisse pas diriger ? C’est que l’on est à contretemps et qu’on ne le laisse pas respirer. L’avant va trop vite, l’arrière ne peut pas rattraper. (Ch. 1)
  4. On peut bien faire en sorte dans l’empire que les gens par peur des châtiments n’osent brigander. Ne serait-il pas mieux de faire qu’ils n’aient pas des âmes de brigands ? (Ch. 7)
  5. Les Saints ne légiféraient pas en fonction de lois déjà existantes mais en fonction de la raison d’être des lois. La raison d’être des lois, c’est d’associer aux transformations et de poursuivre l’évolution. (Ch. 11)
  6. Aux époques où le désordre règne, les lois fixent des objectifs élevés. Les interdits sont pratiquement impossibles à respecter. Le peuple, accablé, s’ingénie à abuser ses dirigeants. (Ch. 11)
  7. Contraint par les difficultés, le peuple cherche ce qui lui convient, pressé par l’adversité, il fabrique ce qui lui est nécessaire. (Ch. 13)
  8. Vouloir gouverner un peuple déjà corrompu avec une loi simple et pure, c’est vouloir monter un cheval fougueux, sans mors ni fouet. (Ch. 13)
  9. Sévérité trop grande est dureté et avec la dureté, point d’harmonie. Indulgence trop grande est relâchement, et avec le relâchement, point d’autorité. User de châtiment trop grand est cruauté et avec la cruauté, point d’affection. (Ch. 13)

La relation à l’autre

  1. Quand déjà on ne se respecte pas soi-même, comment montrer de la sollicitude à ceux qui sont au loin ? (Ch. 1)
  2. Un homme réduit à ses seules forces n’aura pas les moyens de gérer une propriété de 2 acres. (Ch. 1)
  3. Arrivant au pays des hommes nus, Yu ôte son vêtement avant d’y entrer mais rajuste sa robe pour en sortir : il s’adapte aux circonstances. (Ch. 1)
  4. L’échappée céleste, c’est refléter les êtres sans en être ébloui, leur faire écho sans s’y épuiser. (Ch. 1)
  5. Si celui qui possède le Tao passe à l’action, c’est au moment opportun, en accompagnant les 10 000 êtres, exécutant avec eux les tours de la ronde, se refusant à prendre les devants, simplement prêt à répondre à la sollicitation. (Ch. 1)
  6. Le grand cas que l’on fait des perles et du jade dressent les uns contre les autres. (Ch. 11)
  7. On ne se cure pas les dents avec une poutre et une épingle ne tiendrait pas une maison. Le plus ignorant est toujours bon en quelque chose alors que même le plus savant à quelques défauts. (Ch. 11)
  8. Les meilleurs coursiers et destriers ne valent pas un arbre creux s’il s’agit de traverser une rivière. (Ch. 11)
  9. Les tenants de l’humanité tiennent absolument à disserter en termes d’affection et de joie. Les tenants des devoirs à tout expliquer en termes de « prendre » et de « donner ». Alors qu’ils sont impuissants à susciter affliction ou joie, incapables de subvenir à leurs propres besoins. (Ch. 11)
  10. Ce que nous entendons par clairvoyance, ce n’est pas regarder les autres mais se regarder soi-même. L’acuité, ce n’est pas entendre les autres mais s’entendre soi-même. La perspicacité, ce n’est pas connaître les autres mais se connaître soi. Qui possède le Tao, sa vision est claire, son ouïe fine, sa parole sonne juste à tous. (Ch. 11)
  11. Sous le Ciel, vrai et faux ne sont jamais déterminés une fois pour toutes. De par le monde, chacun décrète vrai ce qu’il tient pour vrai et faux ce qu’il tient pour faux. (Ch. 11)
  12. Quand les inclinations concordent, un franc-parler rapproche. Mais si les positions éloignent, même parler à bon escient suscite la méfiance. (Ch. 11)
  13. Les tendances et conduites peuvent bien être toute différentes, pourquoi s’opposeraient-elles ? Le Saint, occupant le centre, couvre tout, embrasse tout. Il n’en est pas au stade des jugements de valeur. (Ch. 11)
  14. D’un homme de grande vertu, il ne faut pas tenir compte des petites imperfections. (Ch. 13)
  15. Si on recherche des sages dans l’empire en ne retenant que leur manque et en oubliant leurs efforts vers la perfection, il sera difficile d’en trouver. (Ch. 13)
  16. Pour juger de la conduite d’un homme, examinez ce qu’il exalte, ce qu’il dispense, ce qu’il refuse, ce qu’il ne fait pas, ce qu’il ne prend pas, observez- le lorsqu’il est dans l’adversité pour connaître son courage, lorsqu’il est bouleversé de joie pour connaître sa maîtrise de soi, lorsqu’on lui confie des biens pour connaitre son humanité, lorsqu’il est saisi de crainte respectueuse pour connaître sa modération. (Ch. 13)
  17. Le Saint est réticent avant de donner son accord, tandis que les gens du commun donnent leur accord et sont réticents ensuite. (Ch. 18)
  18. Une somme d’amour apporte le bonheur, une haine accumulée apporte le malheur. (Ch. 18)
  19. Qui connaît à la fois l’action du Ciel et le comportement des hommes, peut alors agir dans le monde. Qui connaît le Ciel et pas les hommes, ne peut frayer avec le monde. Qui connaît les hommes et pas le Ciel ne peut s’ébattre dans le Tao. (Ch. 18)
  20. Un homme qui a le Tao change à l’extérieur et ne change pas à l’intérieur. En changeant à l’extérieur, il se mêle aux hommes. En ne changeant pas à l’intérieur, il garde son intégrité. Il a une conduite sûre à l’intérieur mais à l’extérieur peut se courber ou se redresser, avoir en superflu ou être en manque, se lever ou s’étendre et changer avec les êtres. (Ch. 18)

Le vulgaire, le peuple, le commun

  1. Qui se conforme au Ciel va au gré du Tao. Qui suit l’humain fraye avec le vulgaire. (Ch. 1)
  2. Aux petits poissons logés dans le puits, vous ne pouvez parler de ce qui est vaste. Aux lettrés à l’esprit étroit, vous ne pouvez pas parler du suprême Tao. (Ch. 1)
  3. Les gens ordinaires et le commun ont l’expérience. (Ch. 1)
  4. Ayant contemplé en haut la vérité des Parfaits, lorsqu’ils examinent la pratique du siècle, les hommes libérés ne peuvent que la trouver dégradante. (Ch. 7)
  5. On ne peut faire vivre des esturgeons dans la flaque creusée par un sabot de buffle et une ruche ne peut contenir un œuf de cygne. Ce qui est petit ne peut contenir ce qui est grand.(Ch. 13)
  6. Ce que voit le Saint ne peut être divulgué dans l’empire, ce qu’il entend ne peut être dévoilé au peuple. C’est pourquoi on en appelle aux esprits et aux revenants, au faste et au néfaste pour édicter des interdits. Comme les ignorants ne savent pas ce qui leur est mauvais, on se sert depuis bien longtemps de la peur qu’ils ont des esprits pour leur transmettre la leçon. Il n’y a que ceux qui ont le Tao qui peuvent comprendre le sens de tout ceci. (Ch. 13)

En savoir plus : « Les grands traités du Huainan Zi », Claude Larre, Isabelle Robinet, E. Rochat de la Vallée, ed. Cerf, 2012