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La désalinisation de l'eau pourrait changer le monde

Avec la question de l'énergie (nucléaire, hydrogène, renouvelables, stockage, réseaux...), la désalinisation de l'eau de mer fait partie des défis et des enjeux qui pourraient changer le monde et rendre des couleurs à notre humanité, actuellement cruellement malmenée et en quête d'espérance. Ces dossiers devraient compter parmi les chantiers prioritaires à engager par nos dirigeants politiques et économiques. Explications.

· Société

Trop de sujets dorment dans l'angle mort de l'actualité

Bien des sujets ne sont curieusement pas traités dans l'actualité. Simple oubli ou négligence, incurie ou incompétence journalistique, pressions corporatistes ou complot organisé, on pourrait s'interroger parmi d'autres sur les questions suivantes :

  • Pourquoi les 1000 solutions éprouvées et rentables de Bertrand Piccard, le célèbre psychiatre explorateur et fondateur de Solar Impulse, ne trouvent-elles pas davantage d'écho et de récurrence dans les médias ? Pourquoi ne sont-elles pas déjà mises en œuvre ? Pourquoi les politiques n'ont-ils pas donné suite au milieu de l'année 2022, aux 50 propositions de lois destinées à accélérer la transition écologique  ?
  • A l'heure de l'intersectionnalité et de la juste cause de la souffrance animale, pourquoi les associations ne s'emparent-elles pas de l'abattage rituel des animaux "de rente" que l'on sait particulièrement douloureux et traumatisant pour l'animal ?
  • Après l'hystérie collective de la crise du COVID et maintenant que les études (surtout à l'étranger) commencent à tomber, pourquoi ne partage-ton pas de manière apaisée les enseignements, pour éviter d'en reproduire les effets néfastes sur les corps et les esprits ?
  • Pourquoi ne parle-ton quasiment jamais de la médecine intégrative supposée réunir le meilleur de la médecine moderne (chirurgie, implants technologiques, molécules...) et de la médecine traditionnelle (soin par les plantes, limitation des effets secondaires, traitement des terrains, psychothérapie...) ? Pourquoi ne met-on pas l'accent davantage l'accent sur la médecine préventive ?
  • Pourquoi ne parle-t-on que de gaz à effet de serre et de climat ou d'alimentation lorsqu'on parle de surpopulation alors qu'un des principaux sujets réside plutôt dans le dramatique recul de la biodiversité ? Pourquoi pointe-t-on exclusivement les modes de consommation des occidentaux alors que l'explosion démographique en Afrique et en Inde va notamment épuiser les nappes phréatiques, intensifier la chasse et la pêche, la pratique du brulis et le recul des forêts, renforcer l'exploitation des terres rares pour doter chacun d'un smartphone, augmenter l'emprise des villes et l’artificialisation des sols, systématiser la construction de routes et l'ouverture de carrières polluantes, etc. ?
  • En attendant la fusion nucléaire, pourquoi n'évoque-t-on jamais les sources d'énergies alternatives au soleil terrestre et au vent ? Un article récent de RT Flash et rédigé par le Sénateur honoraire René TRÉGOUËT, fait notamment référence aux hydroliennes de rivière (un prototype va être expérimenté près de Villeurbanne) capables d'alimenter à terme 3 millions de foyers sans dommage sur la faune et la flore aquatique, à l'énergie osmotique qui repose sur la différence de concentration en sel entre l'eau douce et l'eau salée (bientôt expérimentée dans le delta du Rhône) et avec un potentiel du 1/3 de la consommation annuelle de la France en électricité (estimée par RTE à 640 Twh en 2035). On pourrait également évoquer le solaire flottant avec un démonstrateur en Haute Marne et un potentiel de 12 Twh. Le potentiel du développement de l'hydroélectricité en France doit en outre être revu à la hausse pour atteindre environ 12 TWh (20 % de plus qu’actuellement), grâce à la modernisation des installations existantes et au développement de nouveaux ouvrages. Peut être également cité l'agrivoltaïsme (les panneaux solaires orientables dans les cultures) où 5 % des superficies dévolues à la vigne et aux fruits en France (soit 500 km2 environ) suffiraient pour produire environ 25 TWh par an, "tout en améliorant la productivité agricole grâce au contrôle de luminosité de ces panneaux suspendus et orientables, qui permettent le travail mécanisé en toute sécurité et ont un faible impact esthétique sur les paysages". Il est également possible de recourir à l'hydrogène naturel, ou hydrogène “blanc”de Lorraine (sans compter un autre site situé dans le Béarn) qui contiendrait l'équivalent d’environ la moitié de la production mondiale d’hydrogène actuelle sans oublier la géothermie qui pourrait couvrir près de 60% des besoins énergétiques du Grand Paris ou de la conversion thermique des océans, capable de produire de l'électricité à partir du différentiel de température entre la surface et le fond des mers.
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Avec l'énergie, la désalinisation de l'eau porte les espoirs de demain

Avec la question de l'énergie (qui ne doit pas oublier le stockage de l'électricité et les réseaux) que l'on avait traitée dans une autre chronique, la désalinisation de l'eau de mer fait partie des défis et des enjeux qui pourraient changer le monde et rendre des couleurs à notre humanité, actuellement cruellement malmenée et en quête d'espérance. Ces dossiers devraient compter parmi les chantiers prioritaires à engager par nos dirigeants politiques et économiques.

L'accès à une eau en quantité illimitée annihilerait ou limiterait bien des conflits dans le monde comme au Liban, sur les plateaux du Tibet ou en Inde où les nappes phréatiques sont dramatiquement basses. Les villes comme Barcelone seraient tranquillement alimentées et feraient cesser les norias de tankers qui l'approvisionnent. La France ne serait plus tentée de vendre son eau douce au Moyen-Orient contre des barils de pétrole, 2 millions de morts ne mourraient plus chaque année en Inde par manque d'eau potable, les Talibans afghans n'auraient pas à creuser un canal d'irrigation, spoliant les pays en aval et nourrissant un possible conflit à venir. Plus de problème pour transporter l’eau aux populations les plus assoiffées, plus de problème de sécheresse, l’irrigation à volonté, la transformation des déserts en prairie ou en forêts capables de stocker le CO² et de réduire considérablement le dérèglement climatique, une faune et une flore qui avancent après des siècles de recul. Chaque paysage pourrait potentiellement devenir un verger ou un jardin, potager, floral ou d'agrément, plus de problème d’espace et de confinement, l'habitabilité de la planète serait totale, la famine deviendrait un mot oublié. Le Sahara pourrait recouvrer ses lacs et la végétation exhubérante qui était la sienne il y a 15 000 ans. La vie viendrait reprendre la place que le climat ou notre espère lui ont spoliée.

Une croissance à 2 chiffres pour la désalinisation de l'eau

L'International Desalination Association recense 22 800 usines de désalinisation dans le monde en 2022 (contre 18 000 en 2017). Elles alimentent 300 millions de personnes sur un marché de la consommation de l'eau qui croît de 1% par an. Plus de la moitié de cette capacité de production se trouve au Moyen-Orient. La demande mondiale en unités de dessalement frôle une croissance de 10% chaque année et la production d’eau dessalée a été multipliée par cinq en vingt ans.

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Trois grands principes de désalinisation

Au moins trois procédés industriels de l'adoucissement de l'eau existent :

  • Le procédé thermique qui vise à évaporer l'eau salée qui se recondense ensuite sous la forme d'eau douce. On appelle ce procédé la distillation, "flash" ou par "effets multiples". Ce procédé permet d'obtenir une eau très pure mais il est très consommateur d'énergie.
  • Le procédé par osmose inverse est de plus en plus utilisé car il consomme moins d'énergie. Il vise à utiliser la propriété de l'eau salée d'aller vers l'eau douce lorsqu'une pression s'exerce. L'eau salée passe alors au travers d'une membrane qui laisse passer l'eau en retenant les sels. Cette technologie permet de produire de grandes quantités d'eau potable dans un contexte où les rendements des pompes et la qualité des membranes ne cessent de s’améliorer. Le principal avantage de l’osmose inverse réside dans sa simplicité ; elle est capable d’éliminer les sels de l’eau de mer en une seule étape, sans nécessiter de traitements ou de procédés chimiques supplémentaires. Le principal inconvénient de l’osmose inverse est son coût (installation et maintenance du compresseur...). 
  • L'electrodialyse consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau salée afin de séparer les ions en fonction de leur charge. Cette méthode nécessite moins d’énergie que la distillation.

Toutes les installations de dessalement comportent 4 étapes :

  1. une prise d'eau de mer avec une pompe et une filtration grossière,

  2. un pré-traitement avec une filtration plus fine, l'addition de composés biocides et de produits anti-tarte,

  3. le procédé de dessalement lui-même,

  4. le post-traitement avec une éventuelle reminéralisation de l'eau produite.

Une consommation d'énergie qui décroît au fil du temps

Les usines thermiques de dessalement des années 80 consommaient aux alentours de 25 kWh par m3 produit. En 2000, ce chiffre est tombé à 10 kWh avec des procédés thermiques plus efficaces. Depuis les années 2010, l'arrivée des unités d'osmose inverse a permis de faire tomber la consommation électrique à 5 kWh par m3 puis à environ 2,7 kWh aujourd'hui.

La recherche s'organise et à titre d'exemple, des chercheurs du Beckman Institute for Advanced Science and Technology (US) travaillent sur une technique de dessalement par électrodialyse qui permettrait d’économiser 90% de l’énergie nécessaire à la production.

Des émissions problématiques de boues salines

C’est l’un des inconvénients majeurs de la désalinisation de l’eau. La production d'un litre d'eau douce par osmose inverse génère en retour 1,5 litre de boue ultrasaline. Pour les usines à procédé thermique, il faut 10 litres d’eau salée pour produire 1 litre d’eau pure et les rejets ultrasalins sont beaucoup plus concentrés.

Comme l'évoque un article de l'AFP de 2019, "la plupart des rejets se font directement dans la mer, ainsi que dans les rivières et eaux de surface, où la concentration en sel bouleverse les écosystèmes ». Lorsque la saumure est rejetée sans dilution ni traitement, elle présente l’inconvénient d’augmenter la concentration en sel autour de la zone de rejet. Un système stratifié de couches de plus en plus salées se déposent dans les fonds marins, ce qui diminue les brassages entre eau de fond et eau de surface pouvant diminuer la concentration en oxygène des fonds marins et former un brouillard qui rend difficile le passage de la lumière, affectant ainsi la photosynthèse des espèces marines végétales.

A ce stade de la recherche, on ignore encore le niveau de salinité qui peut être dangereux à long terme pour les organismes marins. A titre d’exemple cependant, les herbiers de posidonie qui représentent un habitat riche où vivent et se reproduisent une grande diversité d’espèces en Méditerranée, sont très sensibles aux variations de salinité et sont menacés par les rejets de saumure.

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Des émissions de produits chimiques

Des antitartres, des coagulants et des produits de nettoyage (tensioactifs, produits acides ou basiques, agents chélatants des métaux) sont utilisés pour nettoyer et permettre le fonctionnement opérationnel des machines et procédés industriels :

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A titre d'exemple, environ 2,7 tonnes de chlore, 36 kg de cuivre et 9,5 tonnes de produits antitartres sont rejetés chaque jour dans la mer rouge par ces installations. Les produits antitartres produits par les usines de dessalement peuvent induire une prolifération d’algues et les produits antisalissure rejetés par ces mêmes usines pourraient avoir des effets stérilisants sur certains organismes. Certains produits enfin peuvent contribuer à acidifier le milieu aquatique et affecter certains organismes comme les coraux.

 

Un article d'ecotoxicologie de 2014 notait que les effets sur les écosystèmes marins seraient réduits si l’eau était prélevée dans des puits côtiers où l’eau est plus pure qu’au large (filtration par le sable) et nécessitant moins de traitements chimiques. En revanche, "cette option a l’inconvénient de ne pas être adaptable aux usines de grande échelle en raison du faible débit prélevable dans ces puits".

Un impact "mécanique" plutôt réduit sur la biodiversité

Des organismes marins tels que des poissons peuvent heurter les tambours tamiseurs et se blesser (écaillage, troubles de l’orientation etc.). Ces troubles physiques peuvent être à l’origine d’une mortalité accrue due aux maladies et à l’augmentation de la prédation. L’entrainement dans le circuit d’eau peut tuer un grand nombre de petits organismes marins tels que le phytoplancton, le zooplancton et les alevins, bien que les impacts au niveau des populations n’aient pas été clairement établis. Cependant, cet effet d’entraînement peut être réduit par une faible vitesse d’aspiration et par une prise d’eau en surface (comme c’est le cas pour de nombreuses grosses usines) ou dans des zones biologiquement peu actives tels que des eaux profondes au large. Enfin, le maillage de 5 mm des tambours permet d’épargner les organismes de moyenne et grande taille.

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Des solutions et un espoir

De ce qui précède, on peut retenir que les technologies de désalinisation ne sont pas encore pleinement mâtures. Elles présentent encore l'inconvénient d'être produite à partir d'énergies fossiles et d'émettre une quantité de polluants importante et dommageable à l'environnement.

Pour autant et sans jeter la désalinisation avec l'eau du bain, d'importantes pistes d'amélioration existent et quelques recommandations de bon sens peuvent être formulées :

  • Le procédé thermique de la désalinisation de l’eau est à proscrire dans les années qui viennent.
  • Les usines de désalinisation sont impérativement à combiner avec une énergie décarbonée dont le potentiel (hydrogène, éolien, solaire, petits réacteurs nucléaires, pistes alternatives évoquées plus haut) monte rapidement en puissance.
  • Il convient de doper considérablement les budgets de recherche (Appels à Manifestation d'Intérêt de l'ADEME, dotations des laboratoires de recherche, lois d'orientation budgétaires...) autour du développement des énergies renouvelables et de la limitation de l'émission des polluants dans la mer (boue extrasalines et métaux) en s'inspirant au maximum de procédés biomimétiques . Certaines solutions innovantes commencent à émerger, dans le solaire notamment.
  • Il est naturellement essentiel de rappeler l'importance de la sobriété de la consommation de l'eau (150 litres par jour en moyenne pour un Français contre 500 litres pour un Saoudien, alimenté par ses gigantesques usines de dessalement) ainsi que celle de l'étanchéité du réseau de distribution pour éviter les fuites. A titre d'exemple, 1 litre d’eau potable sur cinq serait perdu en France.
  • Il est enfin indispensable d'entrer dans la logique de l'économie circulaire et de l'économie bleue (Gunter Pauli) en prévoyant un débouché aux éléments nocifs émis par le process de désalinisation de l'eau de mer. A titre d'exemple, la saumure pourrait être utilisée dans l'aquaculture et la production d'électricité. Le sel ainsi que certains métaux et minéraux (magnésium, gypse, calcium, potassium, brome, lithium...) peuvent être extraits et revendus. Des essais sont actuellement réalisés sur la culture de spiruline, une algue riche en protéines utilisée comme complément alimentaire.

Si ces contraintes devaient être levées, un nouveau monde se ferait jour, sous le soleil plus pâle de la guerre, de la maladie et de la faim. L'abondance de l'eau douce serait de nature et nourrir l'espérance de tous les peuples de la Terre. A une époque où l'écoanxiété règne en maître, la recherche sur les énergies renouvelables, son stockage et la désalinisation de l'eau est le principal levier d'une réassurance collective. Mieux encore, après avoir beaucoup subi, ces axes de recherche sont de nature à nous rendre collectivement ACTEURS de notre avenir. Si les budgets de recherche devaient suivre, nul doute que quantité de jeunes (et de moins jeunes) s'engouffreraient dans cette voie, ouverte vers de meilleurs conditions de vie pour nous-mêmes et l'ensemble du vivant. Un formidable souffle d'espoir gonflerait les poumons de notre humanité fatiguée et engluée dans la peur de sa finitude. Une nouvelle promesse d'harmonie se ferait jour, une nouvelle corne d'abondance permettrait à des régions stériles de redevenir fertiles. Partenaires de la vie, de nouveaux jardins apparaîtraient et nous rappellerait qu'ils étaient dans la langue persane, synonymes de "paradis".

Ce paradis terrestre est à notre portée et pourrait être atteint en une génération.

 

Si la note promet d'être salée, la négligence de ces enjeux pourrait rendre notre avenir plus saumâtre encore.

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