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Quand le temps de l'entreprise devient "Métal"

Certains groupes industriels demandent aujourd'hui à chaque opérateur et ingénieur d’optimiser son « temps métal », c’est-à-dire d’augmenter le « temps effectif qu’il consacre à la machine et à son contact ». Cette référence métallique ne peut que résonner dans les oreilles d’un pèlerin du Tao, habitué à travailler avec les 5 énergies du Bois, du Feu, de la Terre, de l’Eau et… du Métal. Cet article donne quelques clés de compréhension sur une tonalité énergétique qui n’est pas l’une des plus appréciées par les humains. Il vise à aider les dirigeants et les salariés à mieux en comprendre les enjeux et les limites, afin d'agir en toute connaissance de cause.

· Entreprise

L’expression fait aujourd’hui florès au sein de certains groupes industriels. Il est demandé à chaque opérateur et ingénieur d’optimiser son « temps métal », c’est-à-dire d’augmenter le « temps effectif qu’il consacre à la machine, et à son contact ». Il est plus largement demandé à chaque salarié d’œuvrer en priorité pour ce qui est opérationnel et « ce qui marche ».

Cette référence métallique ne peut que résonner dans les oreilles d’un pèlerin du Tao, habitué à travailler avec les 5 énergies du Bois, du Feu, de la Terre, de l’Eau et… du Métal. Cet article donne quelques clés de compréhension sur une tonalité énergétique qui n’est pas l’une des plus appréciées par les humains. Il vise à aider les dirigeants et les salariés à mieux en comprendre les enjeux et les limites, afin d'agir en toute connaissance de cause.

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Le Métal dans la nature

Ça y’est, la fête est finie et l’abondance de l’été indien arrive à son terme. Dans la nature, c’est le temps de l’automne et du repli, celui de la sécheresse et de la dessiccation des feuilles, la perte de l’inutile, la centration sur ce qui sert de manière objective et avérée. C’est le temps de la purification et de l’élimination sans états d’âme de ce qui encombre. On enlève la Terre pour ne garder que le minerai.

Les hommes et les animaux du temps de l’automne accumulent et provisionnent à l’approche de l’hiver, en prévision des rigueurs à venir, ils se protègent pour survivre, sélectionnent pour durer et connaître un nouveau printemps. Ce temps du Métal est celui de la préservation de soi afin de poursuivre le cycle de l’existence, de se maintenir en vie et de durer. Le temps du Métal est celui du retour à l’essentiel et du repli, du nécessaire choix (l’épée qui tranche), du courage et du sens des responsabilités (prendre des décisions difficiles) pour celui ou celle qui souhaite continuer à exister. Dans la nature, pour le monde végétal ou animal comme pour les Hommes, le Métal oblige la question : quel est mon utile et mon indispensable ? Quelle est la cause qui m'aide à vivre ? Voilà le grand message du Métal, mouvement centripète et de dépouillement qui mène à la cristallisation parfaite qui créé le minerais précieux.

Pour le peuple des Hommes, le Métal est le plus souvent au service d’une cause ou d’un idéal (le reflet lumineux du Métal) qui peuvent être la survie ou le service au plus grand nombre (le couteau qui partage). Au nom de cette cause, le temps du Métal est celui du sacrifice et de l’épreuve répartis entre tous, au nom d’une raison d’être qui nous dépasse. A ce titre, le Métal porte une certaine noblesse, celle du Paladin ou du Templier, prêt à donner sa vie pour ce qu’il croit juste.

L’impact de l’énergie « Métal » dans l’entreprise

Ce temps du Métal se retrouve surtout dans les entreprises en difficulté, de celles qui doivent se ressaisir pour ne pas compromettre leur taille, leur développement, leur rentabilité ou leur pérennité. Dans cette proximité de l’hiver économique et des menaces du marché, les besoins de trésorerie et de réinvestissement augmentent. C’est le temps du repli sur le cœur de métier (le minerai, la veine de ce qu’il y a de plus « pur » dans la Terre), sur ses activités régaliennes, sur son équipe, sur ses objectifs.

Le temps du Métal est la période tranchante de la rigueur, du bilan, du contrôle et du reporting, du fonctionnement par processus. A l'image du chevalier ou du juge, c’est le retour à la précision, à la règle et à la loi. Le Métal aime les audits, les normes et les certifications, « ce qui marche et qui a fait ses preuves ».

Le temps Métal des entreprises est éloigné de la fantaisie créative de l’énergie du Bois et de sa diversification, il réprouve la flamboyance un peu trop voyante et conquérante de l’énergie du Feu. Le temps de l’Eau avec ses réflexions stratégiques profondes (entreprise à mission, Raison d’Être…), chronophages et parfois hors-sol (puisque l'Eau est en lien avec le Ciel) n'est pas encore venu. Le Métal reste le fils de la Terre et de la réalité de l'incarnation. Pour autant et après en avoir bien profité, le temps du Métal éloigne l’entreprise de l'abondance et des plaisirs de la Terre. C’est le temps du réveil souvent douloureux et du nécessaire ressaisissement, le besoin souvent urgent, de retrouver le « filon » de l’efficacité, de la productivité ou de la rentabilité à court terme.

Dans le cycle de vie de l’organisation, le temps du Métal est la saison du petit Yin et le schéma ci-dessous traduit cette saisonnalité de la vie des organisations.

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Enfoui dans la Terre, le Métal est humble et discret par essence. Énergie Yin (Shao Yin), le Métal n’aime pas faire de bruit ou d’esbroufe autour de son action qui fait primer la seule efficacité. Ce temps dans l’entreprise repose sur les économies (« cost killing »), et la productivité, on durcit la politique achats et les financiers sont souverains. Dépouillement et abnégation du Métal, on cherchera l’optimisation par tous les moyens et on optera pour une sorte de « pureté frugale » qui se traduit concrètement par la « politique du moins mais mieux » : moins de stocks, moins de dépenses, moins de temps, moins de défauts, moins de références, moins de procédures, moins d’acteurs et de partenariat… C’est le temps du « design par la valeur » qui cherchera à identifier les redondances et les doublons, les pistes pour faire mieux avec autant ou aussi bien avec moins, le "Lean" (qui signifie "maigre" en anglais) prend toute sa place. Les projets, les budgets, les procédures, les organisations… sont systématiquement passées en revues et des « coupes sombres » (le Métal tranche) sont réalisées sans états d’âme au nom d’un avenir commun et meilleur à préserver. Un plan volontariste d’économies est généralement voté par le COMEX et communiqué aux équipes. Un appel salvateur à « tout faire pour réussir » est porté par le Top Management. Temps des renoncements, le marketing préfèrera la fidélisation de ses clients plutôt que la conquête de nouveaux segments. Le stratège sait que la période n’est pas à la diversification, à la croissance externe ou à l’expansion à l’international. Seule la croissance organique prime. Pour ce faire et au nom de l’efficacité, on renforce le cœur de métier (formation, publication de postes, réorientations de carrière). Le management avec la DRH, cherche à fidéliser les compétences rares et les talents ciblés, recrute s'il n'a pas le choix. Protection et sécurité obligent, la digitalisation et la cybersécurité sont renforcées, la judiciarisation et contractualisation des relations internes et externes se systématisent.

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L’impact du « temps Métal » sur les équipes

Les salariés se retrouvent rarement dans la culture ascétique et dépouillée du temps Métal et beaucoup regrettent la phase de la « Terre » qu’ils viennent de quitter, ce temps de l’abondance et de la relation entre tous. Malgré sa pureté incantatoire (« demain, on redeviendra les leaders du marché »), le temps du minerai suppose un dévouement et une abnégation à la cause, qui n’est pas toujours partagée par tous et qui peut s’essouffler dans la durée. Bien des croisades médiévales se sont en cours de route soldé par des fiascos, pour des raisons de « perte de la cause » et de basse politique.

Dans cette atmosphère sacrificielle et de vaches maigres, les équipes peuvent éprouver un sentiment de régression, en termes d’ambiance au travail, de reconnaissance sociale ou financière, de capacité ou de liberté à innover. A titre d’exemple, le télétravail, trop loin du terrain et peu contrôlable, peut être reconsidéré et revu à la baisse. Certains accords sociaux peuvent être renégociés et de manière générale, le dialogue social a tendance à se tendre durant cette phase minérale.

La place de l’humain de manière globale recule en période métallique car il n’est plus le sujet. La qualité de vie au travail (QVT) attendra, on en parle moins.

Énergie nécessaire pour permettre le retour à l’équilibre mais peu appréciée de la plupart des humains, cette période fatale est supposée durer peu de temps sous peine de lasser les troupes, surtout si la culture de l’entreprise était à dominante empathique (verte pour la Spirale Dynamique), basée sur l’autonomie, la créativité et une absence globale de règles (l’énergie du Bois). Les entreprises en phase « Métal » devraient s’en souvenir et donner des gages réguliers aux équipes, sous la forme de primes ponctuelles si possible et de preuves régulières du bien-fondé de la stratégie d’austérité mise en œuvre. A ce titre, la communication mensuelle sur les « victoires rapides » ("qwick win") fait partie des figures imposées du « temps Métal ».

Comme toutes les énergies du monde vivant, l’expression de l’énergie du Métal doit être équilibrée. Le Métal ne pas être trop mou (l'épée peu efficace en fer blanc) au risque de susciter la tristesse, la démotivation et la perte de ses illusions (pas d’incarnation des leaders, puissance de la cause trop faible, efforts à consentir et ambition trop élevés…). Il ne doit pas non plus être trop dur (l'épée se casse) sous peine d’aboutir à l’intolérance et au jugement sans nuance (rythmes des décisions trop élevés, pas d’écoute des difficultés du terrain, décisions arbitraires et/ou mal expliquées…) qui ne manquera pas de susciter la colère, la méfiance, le repli sur soi ou la démotivation nostalgique des équipes blessées et séparées. En cas d’échec de sa politique Métal, la direction saura mettre tout en œuvre pour découvrir la « vérité », pour trouver et châtier sans trembler les coupables.

La communication du Métal

En terme de communication, le discours du Métal sur la forme a tendance à être concis, concret, analytique, sans affect et sec comme les feuilles d’automne. On peut parler de tout à condition de servir les objectifs poursuivis, d’étayer sa position et de ne pas en faire trop. Les présentations sont rigoureuses, synthétiques et factuelles, un peu froides et dépouillées. Le blanc domine dans la communication. Le design et l’esthétique peuvent trouver leur place à condition de ne pas être trop clinquants et de ne pas coûter trop cher. Sur le fond, on parle parfois de sacrifice ou de courage. La rationalité l’emporte, l’émotion n’y a pas sa place et apparaîtrait à contretemps. La saison n'est pas à la plainte ou à la revendication. Il est important en phase automnale de dire ce que l’on va faire puis de faire ce que l’on a dit. Il est essentiel de tenir parole (quitte à se tromper) pour apporter des gages de sa fiabilité et de sa sériosité.

Les compétences du Métal

On y a déjà fait allusion, le « temps Métal » est le temps des gestionnaires, des acheteurs et des financiers, des juristes, des expertises rares (techniciens qualifiés, ingénieurs spécialisés…), du numérique et de la cybersécurité. On revient à la pureté originelle du « cœur de métier », du terrain et de l’opérationnel. Les hommes et les femmes possédant ces qualités sont valorisés et promus. Les compétences relevant des autres « énergies » (Bois, Feu, Terre et Eau) passent au second plan. Les fonctions supports (Facility management, communication, marketing, assistances diverses...) sont menacées et réduites à la portion la plus congrue. On sous-traite sans états-d'âme si cela doit être plus simple et/ou coûter moins cher. On insiste sur l’importance des valeurs de l’éthique, de la loyauté, du sens des responsabilités, de la rigueur. La ponctualité et le respect des délais font partie des vertus cardinales du Métal. La transparence est valorisée, l’obéissance est appréciée quitte à devoir exécuter une tâche que l’on sait inutile ou sous-efficiente. L’impertinence et l’ironie du Bois ou la remise en question de l’Eau attendra, le bon sens parfois aussi. Le Métal aime reconnaître ceux qui travaillent dur pour la cause et ne comptent pas leurs heures.

L’importance du charisme des dirigeants

Le Feu gouverne le Métal dans le cycle de contrôle des 5 énergies. Pour éviter les excès du Métal, il faut recourir à un message fort, à un porte-étendard, à un homme ou une femme « Chevalier » qui saura incarner le message et la cause, qui saura par son charisme porter haut et maintenir le cap, justifier les efforts demandés. C’est le Feu de Winston Churchill qui a permis de faire passer le « sang, la transpiration et les larmes » du temps Métal de la 2è guerre mondiale.

Cette incarnation Feu du leader en période Métal est essentielle pour tenir les troupes et maintenir « la flamme », le feu dans le creuset où se forge l’épée d’un avenir meilleur.

Le jour où le leader perd son charisme, il doit partir et laisser la place à un autre ou bien le COMEX s’expose à perdre sa base et se confronter à des difficultés plus grandes encore.

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Quelques recommandations possibles à destination des dirigeants Métal

Sur la base de ce qui précède, quelques recommandations peuvent être adressées aux dirigeants aux prises avec une période Métal :

  • Choisir un leader charismatique et crédible pour porter la "cause".
  • Travailler au maximum en concertation avec le terrain et les collaborateurs.
  • Demander au management de faire remonter la météo des équipes et créer des canaux de remontée directe de l’information depuis le terrain pour éviter « l’effet tournesol » (management uniquement tourné vers les chefs, filtration des informations et remontée uniquement des bonnes nouvelles...).
  • Communiquer de manière transparente (les réussites, les améliorations et les difficultés), régulière et si possible empathique je comprends les efforts que l’entreprise vous demande mais… <Rappeler la cause>). Rappeler régulièrement la cause (les objectifs et l’ambition, la Raison d’Être de l’organisation) mais également les victoires déjà réalisées, sans emphase et sans exagération.
  • Savoir concéder et lâcher si possible un peu de lest sur le plan financier pour reconnaître les efforts consentis par les équipes, afin de préserver l’ensemble et le principal. Maintenir autant que possible des temps de détente ou de convivialité (intersaison de l'énergie de la Terre) pour faire baisser la pression du corps social et maintenir le lien entre les équipes.

On le réévoque ici, une dernière recommandation pourrait être celle de faire durer cette période le moins longtemps possible car l’histoire et la simple observation démontrent que les Hommes n’avancent pas très longtemps ni très vite, avec une épée sur la tête et entre les Reins.