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5 enseignements de la nature face à la "rétroliberté" ambiante

Que penserait la nature du climat liberticide ambiant ? Pourquoi protéger le premier socle de notre devise républicaine ? A quoi sert la liberté et pourquoi est-il important de ne pas la sacrifier sur l'autel de la sécurité ? Cet article s'expose à fournir quelques éléments de réponse...

· Société

Une tendance liberticide marquée

La Liberté est avec sa sœur la Fraternité, l’une des principales victimes de nos temps de réassombrissement. Qu’on en juge par quelques exemples : une menace de validité du permis de conduite limitée à 15 ans, une vitesse de circulation des véhicules qui va prochainement rejoindre la vitesse de déplacement du piéton, des obligations cumulatives dans tous les domaines (Chaînes à neige dans les voitures pour les habitants des communes de montagne, détecteurs de fumée dans les logements…), l’impossibilité depuis quelques jours de transporter plus de 2 bagages dans les trains, une loi de programmation militaire permettant à l’État de réquisitionner les biens et tout « citoyen » de son choix en cas de menace pesant sur la Nation, une imposition fiscale confiscatoire de plus de 46% du PIB en 2023 (champion mondial) contre 26% par exemple aux États-Unis, rendant chacun trop pauvre pour pouvoir agir et obligeant de plus en plus de Français à prendre les nationales plutôt que l'autoroute payant ou à limiter l'usage des cosmétiques, un droit à la propriété régulièrement réinterrogé, un article 4 relatif aux dérives sectaires susceptible de limiter le recours aux médecines traditionnelles et préventives, des règles européennes généralement « surtransposées » dans tous les domaines (agriculture et élevage, immobilier…), un traçage numérique de plus en plus serré et un croisement de fichiers qui se systématise (dossier médical, données bancaires, informations fiscales…), une généralisation et banalisation des "Pass" dans la cité (sanitaire, JO de Paris, Fan zones, déchetterie...), une tendance montante autour de la reconnaissance faciale, de la bio-identification et du crédit social, des menaces de censure sur certains canaux d’information et un délit d’opinion qui s’installe à bas bruit. Sur le plan sémantique, les « Gardiens de la Paix » d’hier sont devenus au fil du temps des « Forces de l’Ordre », la conscription revient à la mode. L’insouciance recule et l’exécutif prépare les esprits à un temps de conflictualité et de « réarmement démographique », envisage l’option d’envoyer des troupes en Europe centrale.

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Dans sa camisole de taxes, d’interdits comminatoires et de surveillance accrue, Marianne étouffe et cherche l’air, écrasée sous les larges roues crantées des véhicules législatifs. En face d’une bureaucratie conquérante, on l’imaginerait volontiers sur les barricades de 1830 (les 3 Glorieuses) sous les balles du formulaire X23-B avec le drapeau tricolore pour seul bouclier. Dans un pays où l’on pourrait croire qu’« est désormais interdit ce qui n’est plus autorisé » et où "Bureaucrator" règne en maître, l’inflation législative est partout. Le Code du Travail français par exemple compte 3 492 pages dans son édition Dalloz lorsqu’on en dénombre 32 en Suisse. Le vide vertigineux de la liberté d’interprétation fait peur et se comble par l’arbitraire et l’obésité du texte. Amoureux du droit et de la norme, ce n’est pas pour rien que la France est appelée en Chine, « le pays de la loi ».

Dépossession de soi, de son temps, de son espace ou de ses biens, confiscation de sa liberté de parole, d’action ou de pensée, renforcement de l’arsenal répressif et taxation punitive, il est loin le temps où Georges Pompidou morigénait Jacques Chirac : "Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements. Foutez-leur la paix. Il faut libérer ce pays !". Le grand homme avait compris que l’ « esprit de la loi », cher à Montesquieu et à Confucius, l’emportait sur la loi elle-même, qu’on ne pouvait pas faire entrer la vie et le réel dans les pages étroites et rigides d’une règle qui ne peut tout prévoir. Il avait enfin compris qu’un recours trop grand à la loi mène in fine au totalitarisme, comme à l’époque des légistes de XunZi ou de HanFeïZi à la fin de l’époque des Royaumes Combattants (IIIè s. avant notre ère).

De belles conquêtes historiques

Depuis la Révolution Française de 1789, la France n’a pourtant pas démérité, Marianne a bien guidé le peuple et porté haut sa cocarde partout dans le monde. Abolition de l’esclavage en 1848, liberté syndicale en 1884, liberté d’association en 1901, liberté religieuse et de culte en 1905, libération du travail des femmes pendant la première guerre mondiale, liberté des mœurs et sexuelle dans les années 60, liberté médiatique et économique dans les années 80 (les golden boys, les radios « libres »…), liberté de circulation dans les années 90 (Espace Schengen et mondialisation…).

Le nouveau millénaire s’ouvre à l’inverse sur une énergie de repli, sur un grand mouvement d’inversion du sens des aiguilles de l’histoire, dans une forme de rétroliberté qui voit les avancées libertaires durement acquises reculer peu à peu : recul médiatique avec des tentatives de museler certains canaux d’information (acquis des années 80), recul de la liberté de circulation des femmes (acquis des années 70) dans un contexte d’insécurité croissante et de certaines injonctions religieuses radicales, recul économique (acquis des années 80) par la taxation confiscatoire et le zèle administratif qui dissuade tout candidat à l’aventure entrepreneuriale, recul sanitaire avec l’encadrement de plus en plus strict de la prescription médicale. La douce Marianne pratique désormais le « Moonwalk » et menace de tomber sous un drapeau désormais trop lourd.

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Un mouvement de "rétroliberté"

Sur le plan de l’énergétique taoïste, la tonalité dominante est aujourd’hui celle du Métal, de la justice et de la police, de l’ordre et du jugement. Elle est celle des sociétés tristes qui sont prêtes à sacrifier la fantaisie et la joie de l’enfant libre (le Bois) sur l’autel de sa sécurité, prêtes à contester les bienfaits des acquis d’hier au nom d’un hypothétique meilleur lendemain. Le narratif du politico-médiatique nourrit la peur qui aide à asservir et à vendre : « Il faut bien réduire les libertés et faire des enfants car l’insécurité monte partout et la guerre est à nos portes en Ukraine ! ». Las, il ne faut pas oublier que les accords de Minsk n’ont jamais été respectés par l’Ukraine dans le Dombass (soutenue en ce sens à l'époque par la France et l'Allemagne) et qu’il faudra bien faire un jour la paix avec Poutine. Le temps n’est apparemment pas à la diplomatie et au dialogue (l’énergie de la Terre). Sur le plan de l’insécurité, la question réside moins dans la répression et la limitation des libertés que dans le traitement des causes à l’origine de la montée des violences (pauvreté, éducation, intégration…). En outre, résoudre l’origine de l’insécurité (traiter la cause et non pas l'effet), diminue le nombre de policiers dans la rue, réduit le volume des impôts, libère les mouvements et les initiatives citoyennes.

Dans ce contexte d’intolérance ambiante, si de nouvelles libertés souhaitent s’exprimer (wokisme, réforme de l’orthographe, écriture inclusive/explosive), elles présentent trop souvent le défaut militant et culpabilisateur de devoir s’imposer à tous sans contestation, en usant des mêmes codes caporalistes qu’elles prétendent dénoncer.

Si l’on élargit plus encore la focale enfin, ce mouvement de « rétroliberté » n’est malheureusement pas propre à la France puisque les droits politiques et les libertés civiles ont reculé dans 52 pays en 2023.

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La liberté pour quoi faire ?

Triste signe des temps et questionnement inconcevable dans les années 70 ou 80, certains journalistes reconvoquent l’interrogation de Lénine ou le livre éponyme de Bernanos : « La liberté pour quoi faire ? ». Se poser la question est déjà une victoire en soi pour les amateurs du prêt à agir, pour ceux qui aiment déléguer à d’autres le soin de penser le juste, le bon et le vrai. Cette question est l’expression de la démission de notre humanité devant notre libre-arbitre, une défaite de l’esprit et l’ouverture à double battants vers une forme de servitude plus ou moins volontaire, qu’Etienne de La Boétie a si bien décrit. Ce type de questionnement ne nous rend pas digne de la Conscience dont nous sommes, jusqu’à preuve du contraire, les seuls dépositaires dans le monde vivant.

Si l’on devait malgré tout répondre à la question « Pourquoi chercher à conserver la liberté ? », on pourrait répondre par une pirouette : « Pour simplement avoir la liberté de poser la question ». Plus fondamentalement toutefois, la liberté est le seul moyen d’accéder à l’expérience, à l’expérience de la pensée et de la création, à l’expérience de l’interaction et de l‘autre, à l’expérience sensorielle ou artistique, à l’expérience ultime enfin de soi et de la Conscience. Comment savoir qui je suis et ce qu’est la vie si une autorité supérieure pense et agit en mon nom ? Comment apprendre et m’enrichir si le « système » (que Bob Marley appelait « Babylone ») m’empêche l’expérience ? Comment exister, apporter à l'autre et au monde si le pouvoir du moment me rend plus petit, m’écrase et m’invisibilise, délimite la taille toujours plus petite de mon bac à sable ? Comment Picasso ou les impressionnistes seraient-ils nés si on n’avait dû les réduire et les maintenir dans la peinture à l’huile, figurative et naturaliste du XVIIIè siècle ? Comment découvrir notre « nature céleste » aurait dit Tchouang Tseu, si la culture de la loi répond déjà à la question ?

Au sens de la médecine taoïste, l’absence de liberté est une stagnation. Elle nous enseigne en outre que toute stagnation durable (dans les organes ou entre les organes, dans la nature) entraine la maladie. Alors, la liberté pour quoi faire ? Simplement pour rester en bonne santé, expérimenter et apprendre, soi, les autres et la vie, la liberté, simplement pour tenter et réussir notre incarnation, comprendre et connaître, aimer et créer. Une vie sans liberté s’appelle la vie des autres. Une vie sans liberté s’assimile à une pièce de théâtre où l’on aurait à déclamer le texte écrit par un potentat sans talent, prêt à châtier le crime de l'apostille ou de la didascalie. Parmi tous, Mao et son petit livre rouge (qui devait être appris par coeur dans toutes les écoles), exigeant de brûler tous les autres livres, en est un exemple édifiant. Saint Thomas d'Aquin de son côté avait une formule pour qualifier cette idée et prévenir le risque : "L'homme d'un seul livre est un esclave".

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Face au recul de nos libertés, le vivant nous enseigne au moins 5 attitudes

Si l’on revient à l’énergétique taoïste, l’enseignement de la nature nous enseigne qu’il existe 5 attitudes possibles face à la répression des idées ou des corps.

L’énergie du Bois : Face au recul de ses libertés, l’énergie du Bois regimbe et se crispe à l’image d’un enfant privé d’exercice physique ou de récréation. La colère monte et s’exprime, bruyante et mal canalisée. C’est l’énergie actuellement en circulation dans le mouvement des agriculteurs et des paysans. Trop de normes, trop de déconsidération, trop de paupérisation, trop de travail… Rébellion, soulèvement des racines de l’arbre et souffle du vent. C’est également l’énergie du vote contestataire.

L’énergie du Feu : Face au recul de ses libertés, le Feu de son côté cherche à maintenir ce qui permettait d'installer l’harmonie, de permettre la manifestation de la joie et de la lumière dont la liberté faisait partie. Le Feu mobile va donc chercher ailleurs ce qui lui manque et la torche se déplace dans un lieu mieux oxygéné. C’est la fuite et le départ d’un pays liberticide vers un pays où la possibilité d’agir et de penser est mieux préservée. C’est le temps de l’exil et le départ de la flamme qui cherche à survivre et à rayonner dans des lieux moins anaérobiques. C’est l’énergie de Victor Hugo qui part à Guernesey.

L’énergie de la Terre : Face au recul de ses libertés, la Terre pour sa part cherche à esquiver et à s’en tirer en contournant la loi, en trouvant des astuces parfois à la limite de la légalité, elle recourt abondamment au système D. La Terre adaptative et malléable a le goût du réel et le sens pratique, elle se façonne de manière rationnelle et empirique à la dure réalité des temps. C’est l’énergie du roman « Au bon beurre » de Jean Dutourd, racontant l’histoire de ces commerçants qui parvinrent à s’enrichir sous l’occupation.

L’énergie du Métal : Face au recul de ses libertés, le Métal accepte au nom du sacrifice et du Bien commun, de son sens des responsabilités et de sa loyauté (proche de la soumission) à l’autorité. Bon soldat et pas toujours de gaité de cœur, il applique la règle et la fait respecter. Il juge durement ceux « qui ne jouent pas le jeu », qui pêchent par égoïsme, par aveuglement ou par ignorance. C’est généralement l’énergie de l’administration et des grands corps d’Etat, résumé superbement par Jean Pierre Chevènement pour qui, « Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l'ouvrir, ça démissionne ».

L’énergie de l’Eau : Face au recul de ses libertés enfin, l’Eau cherche à se cacher, à se terrer dans sa grotte et proche de la source, à disparaître pour conserver dans l’ombre et au sein de sa petite communauté ses acquis et ce qu’elle considère comme important. L’Eau s’isole, loin du bruit, de la lumière et de la fureur du monde pour préserver ce qui doit l’être, pour perpétuer ce qui sert son humanité et son identité. C’est l’énergie fragile et craintive de certaines ZAD et parfois de la marginalité. Depuis toujours, c’est l’énergie de toutes les communautés et minorités réprimées au fil de l’histoire (juifs, chrétiens d'Orient, Ouighours en Chine...).

La nature nous enseigne donc que face au recul libertaire qui nous environne, la vie offre le choix de la révolte bruyante, de l’exil incertain, de l’adaptation maligne et pratique, de l’acceptation triste ou du repli craintif cherchant à perpétuer l’essentiel à l’abri des regards.

Pour les plus rebelles enfin, différentes courants de conscience parlent d’une 6è voie qui est celle de la libération intérieure. Lassés du monde des humains, elle est la voie de tous les mystiques et des grandes traditions qui nous parlent d’illumination, de grâce ou d’immortalité. Cette voie s’affranchit de la loi des hommes, préfère l’universel et la verticalité aux basses oeuvres et manoeuvres de notre espèce.

Elle est la voie de cette Marianne ailée qui disparaît dans le Ciel et dans la lumière du soleil, en reprenant à son compte la fulgurance du poète exilé* : « Sauvons la Liberté. La Liberté sauvera le reste ».

* Victor Hugo - Extraits de choses vues (1851)

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