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21 nuances d'éveil entre les voies du bouddhisme et du taoïsme originel

Dans la période de relativisme ambiant qui est la nôtre, on pourrait croire que tout est semblable à tout et qu’il en est de même en matière de sagesse ou de spiritualité. Le présent article cherche au contraire, à lister les divergences susceptibles d’exister entre les voies bouddhistes et taoïstes de l’éveil.

· Concepts taoïstes

« Le Chinois est confucianiste le jour, taoïste la nuit ; confucianiste en public, taoïste en privé ; confucianiste dans la vie, bouddhiste face à la mort ».

Proverbe chinois.

Dans la période de relativisme ambiant qui est la nôtre, on pourrait croire que tout est semblable à tout et qu’il en est de même en matière de sagesse ou de spiritualité. Le présent article cherche au contraire, à lister les divergences susceptibles d’exister entre les voies bouddhistes et taoïstes de l’éveil. Il est bien clair que cet article reste générique et que de nombreux courants bouddhistes ou interprétations pourraient s’en écarter ou en relativiser certains notions.

Le confucianisme n’est pas une voie d’éveil

Une sentence chinoise parle d’une branche et de 3 rameaux à propos des 3 sagesses de l’empire du milieu. A côté du taoïsme et du bouddhisme, on trouve également le confucianisme qui ne sera pas repris dans le présent article pour la simple raison que, s’il est une voie intéressante à explorer pour régler les relations des hommes entre eux, il est un recours peu efficace pour les pèlerins de la verticalité. A l’image de la philosophie de la Grèce antique, l’enseignement de Maitre Kong est la voie d’un amoureux de la sagesse (philo-sophia), qui reste à dessein campée sur le plan de l'Homme, des empires et des sociétés. Il est un sage qui annonçait délibérément vouloir « maintenir les esprits à distance ». Les taoïstes ont longtemps reproché aux confucianistes de ne s’intéresser qu’au monde de la Terre et des hommes, à l’effort plutôt qu’au non-agir, à l’homme plutôt qu’à l’ensemble du monde vivant et du cosmos (humanisme vs cosmocentrisme), à ne s’intéresser qu’au savoir plutôt qu’à la connaissance. Comme il est dit à plusieurs reprises dans les canons taoïstes, « celui qui sait n’a pas un large savoir. Un large savoir ne connaît rien ». C’est ainsi que Tchouang Tseu s’amuse souvent à mettre en scène Confucius et à le ridiculiser, en le ramenant à l’état d’un petit enfant ingénu qui ne connaît rien de la connaissance véritable.

Les lignes du présent article concernent le plan du Ciel et la Voie de l’éveil, précisément celle que Confucius se refusait d’emprunter pour éviter les spéculations mentales et toute fausse interprétation. Le confucianisme n’est objectivement pas une voie de la « Grande Conscience » et ne sera abordé ici que pour mieux s’en détourner.

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En Chine, le taoïsme est antérieur au bouddhisme mais s’est laissé influencer

A propos du taoïsme (ou « des » taoïsmes devrait-on dire), il est essentiel d’avoir à l’esprit qu’il est d’origine chamanique et très largement antérieur en Chine à l’arrivée du Bouddhisme, qui n’a franchi les marches de l’Empire des Han que dans le premier siècle de notre ère sous le règle de l’Empereur Han Ming Di. Les premiers textes taoïstes ont été rédigés plus de 600 ans avant que le premier bonze ne foule la terre chinoise.

Sur le plan historique, le taoïsme originel s'est laissé influencer par le folklore structuré du bouddhisme, la représentation bariolée et accessible des divinités qui parlaient au cœur du peuple, par l’importance accordée aux femmes, par la facilité d’accès aux rituels collectifs, par la musique et les parfums, mais également par la puissance et la structure du clergé et des monastères, gardiens de la doctrine et relais d’influence d’une rare efficacité auprès des courtisans de l’empire. L’article ci-joint décrit plus en détail les raisons pour lesquelles le bouddhisme s’est rapidement diffusé en Chine.

Par nécessité face à l’incroyable poussée des disciples du « très vénéré » Bouddha, le taoïsme est devenu une religion avec ses prêtres et ses temples structurés sous la dynastie des Tang (618-907), essentiellement pour des raisons d’assise politique et de concurrence avec la sagesse bouddhiste florissante. Les eaux de la doctrine se sont naturellement mêlées au fil du temps et le taoïsme s’est progressivement mâtiné de bouddhisme et parfois de quelques imprégnations confucianistes que l’on peut retrouver ici ou là, même dans la compilation des textes classiques (Tao Te King) qui nous sont parvenus. En retour, le bouddhisme chinois s’est laissé influencer par la sagesse du Tao. A titre d’exemples, le Monastère bouddhiste Shaolin et le courant Cha’an (Zen) ont intégré quantité d’enseignements taoïstes. Une branche, 3 rameaux mais finalement toutes de sève mêlée.

De nombreuses similitudes doctrinales

Avant de souligner les divergences de doctrine, il est bon d'insister sur les nombreuses similitudes qui relient les courants bouddhistes et taoïstes. Recherchant tous deux l’éveil (l’illumination pour les uns, l’immortalité et le retour à l’Origine pour les autres), ils considèrent que la mort physique n’est pas une fin mais le début conchoïdal d’autre chose, l’amorce d’une alternance souffrance/non souffrance pour les bouddhistes, d’une respiration forme/sans forme ou imperfection/perfection pour les taoïstes. Ils partagent une même convergence dans l’intention de quitter le plan terrestre de son vivant et de rejoindre le Ciel, le Grand Mystère, l’Origine ou le Nirvana après avoir accédé à l’immortalité ou connu l’illumination (tout au moins pour le courant « subitiste » qui considère que l’illumination peut arriver d’un seul coup, à l’inverse des « gradualistes » qui estiment que la première illumination n’est pas la dernière).

Tous deux ne se réfèrent pas une divinité suprême à proprement parler. Bouddha est un homme devenu divinité, Lao Tseu a été divinisé également sur le tard, Tchouang Tseu règle la question en déclarant que l’univers a existé de toute éternité : « Peut-on savoir ce qui fut avant le Ciel et la Terre ? (…) Il n’y a ni passé ni présent, ni commencement ni fin ». Sous l’influence du peuple de l’Inde et sans grande conviction, les taoïstes ont créé quelques mythes tardifs concernant la création de l’univers par le Géant PanGu au IIIè siècle, démiurge créateur du Ciel et de la Terre à partir du chaos originel. Ces mythes n’ont cependant pas pu être stabilisés et présentent une grande variabilité de versions entre les provinces. Globalement, la mythologie et le panthéon taoïstes (Fuxi, HuangDi…) restent pauvres car le sujet pour un peuple qui n'a géographiquement jamais bougé, n’est pas fondamentalement là. L’éveil et le retour à l’origine sont d’abord le fruit de la pratique et de l’expérience du corps et de l’énergie, une sorte de dialogue direct et sans intermédiaire entre l’Homme et le Ciel éternel.

Les voies d’éveil de la Chine et de l’Inde partagent la même vision stratifiée des plans de la Création. Les textes taoïstes les plus répandus parlent des 9 plans de la Terre et des 9 plans de la Terre. Le bouddhisme de son côté reconnaît 3 royaumes décrivant l’univers : le royaume des désirs, le royaume des formes et le royaume informe, chacun se stratifiant avec précision. Si le taoïsme ne s’y appesantit pas, les 2 courants s’accordent sur l’existence d’une infinité de mondes et d’univers.

Ils partagent le même goût pour le paradoxe. « On trouve ce que l’on ne cherche plus » disent les taoïstes ou bien « Ce que l’on désire s’éloigne ». « Tu as raison dit le maître bouddhiste au disciple qui soutient la thèse A. Tu as raison dit le maître au disciple qui soutient la thèse B, tu as aussi raison dit le maître qui soutient la thèse C ». Les bouddhistes partagent la même défiance vis-à-vis des mots pour décrire la Connaissance véritable. Les bouddhistes y font illusion par l’absurdité des koans, ces petites histoires en apparence absurdes, destinés à « perdre l’esprit » et à enseigner en faisant réfléchir le disciple : « Que fait le bruit d’une seule main qui applaudit ? », « Est-ce le drapeau ou le vent qui bouge ? », « Est-ce le son qui parvient à l’oreille ou l’oreille qui parvient à toucher le son ? ». Le taoïste véritable préfère de son côté répondre par l’expérience ou par le silence car « tout discours sur le Tao va contre le Tao » (Tchouang Tseu). Les 2 traditions goûtent particulièrement le silence qui porte toutes les réponses aux questions que l’on se pose : "la discussion est inférieure au silence" déclare Tchouang Tseu, tout en étant conscient que "ni la paroole ni le silence ne peuvent porter la vision suprême du Dao".

Les 2 courants de sagesse s'accordent sur l'impermanence des choses et des phénomènes, vouent la même importance à l’instant présentEtre dans l’instant présent, sans quête ni saisie, c’est cela l’éternité » affirme le moine Zen Wumen Wuikaï) et à l’accès au calme comme préalable à l’éveil : « calme et vide font retrouver sa demeure » nous dit Lie Tseu. Ils insistent tous deux sur l’importance de la méditation, de l’humilité, du détachement ou de la mise à distance des désirs. L’insatiable est un ver qui ronge le yin et le yang déclare à titre d’exemple Lie Tseu.

Ce faisant et même s’il n’est pas toujours simple de distinguer l’origine des confluents à l’aval d’un fleuve, cet article se propose d’identifier au moins 21 différences de fond dans la voie de l’éveil entre le courant de l’Inde et celui de la Chine. Certaines d’entre elles sont parfois l’expression d’une interprétation personnelle et naturellement subjective qui pourra nourrir des débats intéressants. Les 21 points de divergence identifiés sont classés du Ciel vers la Terre.

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7 nuances d'éveil du plan du Ciel

  1.  Le vide : L’idée de la vacuité bouddhiste est différente du vide taoïste. Le bouddhiste associait le vide à l’impermanence et à l’illusion de notre plan de réalité, à l’inverse du taoïste pour qui il s’agit plutôt d’une indétermination, d’un plein potentiel, du « sans forme » d’où naissent toutes les formes. Certains maîtres taoïstes prennent l’image d’une bouteille transparente que l’on croit vide mais qui est en réalité remplie d’eau. A un stade plus avancé, les bouddhistes considèrent que la notion même de vide doit être éliminée en faisant appel à ce qu’ils appellent « la vacuité de la vacuité ». Pour autant et lorsqu’on parle du plan du Ciel, ils rejoignent la Voie taoïste qui préfère « broyer le vide », étape alchimique ultime avant de rejoindre le « Dao ».
  2. Les nombres : Le taoïste est conscient que l’univers s’est construit sur la perfection des nombres et qu’une certaine construction mathématique porte notre réalité. Chaque nombre porte sa symbolique (cf. cet article pour en savoir plus) même si le taoïste goûte particulièrement de travailler avec des multiples de 3 (6, 9, 12, 18, 36, 81…), avec des combinaisons en lien avec les 5 énergies (Eau = 1 ou 6, Feu = 2 ou 7, Bois = 3 ou 8, Métal = 4 ou 9, Terre = 5) ou avec le carré magique du Luo Shu. Le bouddhiste préfèrera décliner de son côté le chiffre 7 (les 7 chakras, les 7 pas de Bouddha dans les 4 directions…) ou ses multiples (42 déités paisibles du cœur, prières spécifiques 49 jours après le décès…) ou le nombre 108 qui contient le 0 (le vide), le 1 (la conscience divine) et le 8 (l’infini).
  3. Le rapport aux divinités : Dans sa relation directe et sensitive au monde, le taoïste originel et chamanique ne représente pas ou très peu les nombreux Shen (esprits protecteurs ou pacifiques) et encore moins les Gweï (esprits maléfiques). Partenaire du Ciel, le sage taoïste travaille avec la lune et le soleil, la Grande Ourse, l’étoile polaire et les 28 constellations. A son arrivée, le bouddhisme plus anthropique, a représenté de manière inédite les divinités sous la forme de peintures bariolées, de scènes narratives inspirantes et proches de la vie des gens, de statues saisissantes de vie et accessibles au peuple. Mythes, légendes, cités divines (Shambhala) et les multiples divinités (Devas) sont autant de modèles et de guides possibles pour accompagner le pratiquant sur la voie de la prise de conscience et de l’éveil. Panthéon « Samaritaine » et un peu à l’image des saints de la chrétienté, il y en a pour tous les goûts et chacun peut se retrouver dans la représentation symbolique de tel dieu ou déesse (de la compassion, des marchands, des marins…). Les taoïstes ont copié cette astuce « marketing » surtout à partir des Tang au VII-Xe siècle avec l'apparition de Guan Yin, de la Dame de Jade ou de "l'enfant pur comme de l'or". Les divinités bouddhiques pouvaient être convoquées par de simples invocations verbales, éloignées des rituels idéographiques élaborés nécessitant des intercesseurs taoïstes ou chamaniques dûment initiés (sceaux de doigts complexes, jeûnes et purifications, orientations cardinales, invocations, talismans, parchemins…). La récitation psalmodiée des textes est une idée bouddhiste qui, là encore, sera récupérée plus tard par le clergé taoïste.
  4. Le temple : Le taoïste originel n’avait pas besoin de temple car les seuls temples à réellement considérer étaient la nature elle-même (voûte céleste, cascades, cathédrales végétales, arbres, pierres singulières…) et…  son propre corps. Le corps du pratiquant taoïste contenant l’univers lui-même, la construction d’un lieu matériel ne pouvait être que l’expression subjective et réductrice de l’Homme. Encore aujourd’hui, le temple taoïste n’est pas sacré en Chine et le Chinois ne s’y rend que rarement en groupe et à des dates précises, à l’exception des grandes fêtes annuelles (généralement bouddhistes). Le temple ne sert pas à prier mais à négocier, à convoquer les mânes et les auspices, à attirer la bonne fortune et répondre à un souhait. Ce sont plutôt des « salles d’audience » pour conférer momentanément avec la déité du lieu, le plus souvent dans une intention propitiatoire. L’efficacité de la structuration monastique des bouddhistes sur les plans politique, religieux et financier, a contraint les taoïstes à devenir sur le tard, des bâtisseurs d’édifices supposés rallier et fidéliser des pratiquants en mal de communauté, de symbolique accessible et de protection.
  5. La superstition, le rapport aux défunts : Les Chinois sont un peuple très superstitieux, les rituels et les offrandes sont très codifiés, le fétichisme y est très développé (miroirs, numérologie, amulettes, sceaux chamaniques, portraits de Mao aujourd’hui). Parce que le taoïste croit en l’interpénétration des plans du Ciel et de la Terre, il soigne la relation aux mânes et aux ancêtres, de peur de se voir importuné par les entités de ces plans invisibles. Du côté du bouddhisme, on prie l’esprit des défunts pour lui révéler sa nature véritable et lui souhaiter une renaissance favorable.  
  6. Le rapport à l’esprit : Pour le bouddhiste, l'esprit est supérieur à tout. Il aime faire appel à la concentration intérieure et à la discipline mentale, à la contemplation méditative, à la prière et à la répétition de mantras avec au bout, l’intention de lever le voile des illusions notamment celle de l’ego, d’accéder au nirvana et à la fin du cycle des réincarnations. L’esprit est ce qui doit permettre de quitter le plan de la réalité matérielle et le cycle des réincarnations. L’esprit est ce qui reste lorsque le corps dépérit et quitte la matière. Pour le taoïste, l’esprit travaille en complicité avec le corps grâce au Qi, à l’énergie et avec le moins de force possible, un peu comme dans un rêve (cf. plus bas le rapport à la matière et au corps).
  7. Le déterminisme : Le taoïsme originel croyait fortement en la prédestination, dans le fait d’identifier puis de reconnaître sa « nature céleste » afin de mieux s’y conformer. On nait « brute » et on vivra comme une brute. Lie Tseu le déclare très clairement : « Je ne sais pas pourquoi je fais ce que je fais, c’est le destin ». Si son inclination naturelle attire vers les livres et l’étude, il est logique et « naturel » de devenir un lettré ou un fonctionnaire de l’empire. L’histoire est écrite dans nos gènes (Jing Qi inné, Yuan Qi, Zong Qi), dans ce que les taoïstes appellent « le Tigre et le Dragon » et il convient de suivre « ce qui est déjà là » et conforme à son mandat céleste (Tian Ming). Sous l’influence bouddhiste et confucéenne, la sagesse taoïste a commencé sous la dynastie des Song (mouvement du "néotaoïsme" appelée abusivement "néoconfucianisme") à considérer que l’action de l’Homme pouvait agir sur sa destinée, qu’il lui était possible de domestiquer le Tigre (hérédité, conditionnements sociaux ou familiaux) et de libérer le Dragon (potentiel individuel), à faire évoluer son plan d’existence. Le disciple de Bouddha de son côté, préfère se référer à la loi du karma qui pose que les épreuves (et motifs de souffrance) de la vie présente s’expliquent par les actions des vies passées. Largement déterminé par ses vies d’avant, la méditation doit permettre au pratiquant de lever le voile des illusions et de l’aider à se détacher des 3 poisons de l’avidité, de l’aversion et de l’ignorance. Le taoïsme des Song de son côté croit (via les exercices de l'alchimie interne) en la capacité d'élever la fréquence vibratoire de ses cellules biologiques. Ce faisant, il n'appellera pas les mêmes événements et expériences d'existence et son logiciel de vie pourra changer. En revanche, il n’établit pas de lien explicite entre la vie présente et ce qu’il appelle le « Ciel antérieur », le sans-forme d’avant sa naissance
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7 nuances d'éveil du plan de l'Homme

  1. Le rapport à la vie et au réel, à la souffrance : La souffrance (maladie, vieillissement, mort) est au cœur du bouddhisme. Elle s’affirme autour de 4 nobles vérités : tout est souffrance, il y a une origine à la souffrance, il y a une cessation de la souffrance et il y a un chemin qui mène à cette cessation. La souffrance peut provenir des trois « poisons » que sont l’avidité et l’attachement (aux êtres, aux choses, à son corps, à la réalité, aux désirs…), l’aversion (colère, haine, jugement, préjugé, jalousie…) ou l’ignorance (égocentrisme, matérialisme…). Les enseignements bouddhistes comprennent aussi bien des points de vue philosophiques ou psychologiques qu’une pratique spirituelle dont le but est de se défaire de cette vision erronée de la réalité et de déraciner les causes mêmes de la souffrance. Pour le bouddhiste, nous sommes venus apprendre à nous détacher de la souffrance terrestre pour accéder au nirvana et lever le voile de l’illusion de la matière. Pour le taoïste au contraire, chaque épreuve est momentanée, elle enseigne et fonde la raison d’être de la vie. C’est parce que l’aigreur existe que le doux existe. C’est parce que l’épreuve existe que la joie ou l’apprentissage existent. Autour du cercle taoïste et sur le plan terrestre, pas de santé sans maladie, pas de jeunesse sans vieillesse, pas de vie sans mort terrestre. Une joie permanente s’appelle l’ennui. Le Ciel s'ennuirait sans la Terre. Là où le bouddhiste voit la contrainte ou la souffrance, le taoïste perçoit l’apprentissage et saisit en creux et dans la spontanéité, la loi de l’impermanence et de la bipolarité dynamique, le mouvement de la vie elle-même. Le taoïste joue avec le réel pour transformer les obstacles ou les épreuves en opportunités, les faiblesses en forces. Une souffrance d’aujourd’hui peut entrainer un bien à l’autre ou demain pour soi. Cette notion de souffrance est finalement très relative. Le sage taoïste en a conscience et aborde l’épreuve avec la sérénité de celui qui sait qu’il ne pourra jamais perdre (soit je gagne, soit j’apprends, soit l’autre gagne…). La mort de la gazelle ne permet-elle pas la vie du lion ? En outre, pour le taoïste, l’absence de souffrance n’est pas un objectif, il est la conséquence de son travail énergétique et d’alchimie intérieure. La souffrance Yang contient son pendant Yin, la leçon, la guérison en germe, le changement, fondement même de la vie terrestre. Celui qui veut bien vivre l’expérience terrestre et faire reculer la souffrance doit accepter les lois de la Terre (impermanence, interdépendance, bipolarité dynamique, adaptabilité…), suivre sa propre nature, prendre soin de son corps (respiration, alimentation, style de vie) et y installer le calme. Le monde taoïste n’est pas une illusion. Il est un plan impermanent qui a ses lois et qui permet l’expérience. Il est un plan qui permet de bien vivre et longtemps si on en connait et en applique les lois, à soi-même, aux autres et dans sa vision du monde. Pour ceux qui le souhaitent, le taoïste alchimiste peut rejoindre le plan du Ciel de son vivant et quitter le plan de la Terre. Alors seulement, la vision taoïste du monde se rapprochera de la conception céleste et globalisée des bouddhistes.
  2. Le rapport à l’effort et à l’action : Le bouddhiste aime l’effort. Les moines Shaolin par exemple ne se reposent jamais. Même en position de détente (allongée ou assise), ils lèvent une jambe ou un bras pour faire travailler un muscle. L’esprit de Bouddha doit apprendre et permettre de dépasser la douleur, l’esprit est plus puissant que le corps qui n’est qu'une attache provisoire et illusoire. Les moines qui pratiquent le Cha’an (zen) s’épuisent à méditer et reçoivent des coups de bâton pour rester attentifs. A l’inverse, malin et frugal, le taoïste préfère le lâcher-prise et l’agir juste. Pragmatique, il n’agit pas en force. Il observe et préfère laisser agir les forces en présence, intervenir au minimum pour obtenir le maximum de résultat (non-agir, wuweï). En combat comme dans la Voie, il considère que plus on reste figé dans la forme et dans l’intention, plus on est lent et inefficace à telle enseigne que Tchouang Tseu déclare que l’homme qui s’efforce d’agir provoque sa mort. C’est la raison pour laquelle, le pratiquant taoïste travaille ses formes « comme dans un rêve », avec 20% de mental seulement et 80% de vide.
  3. Le rapport à la communauté et à l’autre : Tchouang Tseu est souvent seul dans ses saynètes (le rêve du papillon par exemple) et il y déclare que celui qui oublie les hommes est un homme du Ciel. Il a tendance à considérer que l’Homme déséquilibre ce qui était harmonieux avant son passage ou son arrivée. Le taoïste considère que la Terre l’emporte sur l’Homme car elle peut vivre sans lui alors que l’inverse n’est pas vrai. "Vababond céleste", le taoïste est en distance avec l’homme du commun, de la société ou de la cour royale, souvent peu respectueux des lois de la Terre. L’homme véritable est celui qui ne laisse pas de trace nous rappelle Lao Tseu. A ce titre et déjà globalisés, la plupart des auteurs du Canon taoïste n’ont pas laissé leur nom dans l’histoire. Profondément anthropique, le bouddhiste de son côté vit en communauté car il fonde une bonne partie de son salut sur l’interaction avec l’autre et sur sa capacité à développer en lui le sentiment compassionnel. Plus encore dans la voie du grand véhicule, le salut de l’autre est interdépendant de son propre salut. Le bouddhiste est Andros, le taoïste est Cosmos.
  4. Le rapport à l‘amour : L’amour bouddhiste est un amour d’intention et de destination, la voie de la nécessaire compassion, où l’esprit inspiré par les sutras trouve toute sa place. L’amour taoïste de son côté est davantage un amour universel de conséquence et d’observation. Comme on a pu l’écrire dans un autre article : « l'amour taoïste sait que dès qu'apparaîtra l'intention ("Il faut faire le bien", "Je dois donner"...) apparaîtra la force. Dès qu'apparaîtra la force apparaîtra la contre-force, le confit potentiel de ceux qui ne sont pas d'accord, la dysharmonie ». Certains s'épuisent à vouloir trop donner et certaines bonnes intentions pavent les enfers dit le proverbe. C'est pourquoi Tchouang Tseu déclare que : "celui qui accomplit de bonnes actions sans penser à la bonté sera aimé de tous". L’amour en soi n’est pas le fruit d’un acte mental ou volontariste ("je dois aimer et devenir compassionnel") mais davantage la conséquence de ce qu’on en observe dans la nature et de ce que l’on ressent dans son corps. Il est fait parfois reproche au taoïsme sa recherche personnelle et égoïste de l’éveil mais la connaissance des lois du monde fait apparaître la beauté et l’amour de la nature qui ouvrent le Cœur et font naître la bonté spontanée. Aucun texte sacré ne remplacera l’expérience de l’Amour dans son enveloppe corporelle. C’est ainsi que le saint qui aime les hommes ignore son amour. Ce sont les autres qui lui donnent ce nom. Si l’on ne lui fait pas remarquer son amour, il ignore qu’il aime les hommes. C’est là la manifestation naturelle de sa sainteté (Tchouang Tseu). La pomme s’offre à celui qui va la croquer sans autre intention que l’amour inconditionnel de la vie.
  5. Le rapport aux mots : Les mots bouddhistes portent la doctrine, nourrissent et inspirent l’esprit. Pour certains mouvements bouddhistes, les sutras étaient précieux et ont longtemps circulé sous le manteau. Le maître taoïste de son côté enseigne par le corps et se montre volontiers taiseux. On parle souvent de ces maîtres qui ne disaient un mot pendant une année pour tester la motivation du disciple, lui enseigner la persévérance et la patience, la connaissance par l'expérience ("Je me surprens à ressentir une énergie dans mon corps que je ne recherchais pas"). Les mots sont piégés, subjectifs, imparfaits, équivoques, limités et trompeurs. Le taoïste pratique l'expérience, la voie corporelle et le ressenti plutôt que l’étude. Il (ou elle) se défie des mots qui ne porteront jamais l’essence de la connaissance. « Un large savoir ne connait rien » nous dit Lao Tseu. Le bouddhisme de son côté aime raconter de belles histoires (la cîté mythique de Shambhala…) qui aident l’esprit à se projeter et lui donne l’envie d’avancer. Le maître taoïste de son côté préfère les vivre. Comme il aime à le répéter à ses disciples : « Lis moins et pratique plus ».
  6. Le rapport à la violence : Compassionnel par essence, les adeptes de Bouddha sont non-violents. Réincarnation possible d’une ancienne âme humaine, un insecte est intouchable. Les moines Shaolin ne se battent que pour se défendre et ne peuvent pas tuer. De son côté et bien installé dans la matière, le pèlerin du Tao, peut envisager le recours à la violence dans la spontanéité et la justesse de l’instant (comme un enfant) ou dans l’intention de réinstaller l’harmonie, à l’image de Sun Tzu (l’auteur de l’ « Art de la guerre » au VIè siècle av. JC) qui nous rappelle au passage que la plus belle des victoires est cette bataille qu’on n’aura pas à livrer. Amoureux de la vie, le taoïste n’aime pas naturellement la violence car il sait qu’elle est source de dysharmonie, temporaire ou plus durable (se faire un ennemi à vie…). La violence existe cependant dans la nature (la tempête ou l’orage, l’herbivore qui meurt sous les crocs du carnivore) et il l’accepte. En revanche, le taoïste ne s’épuisera pas à raisonner un être violent s’il sait que c’est « dans sa nature ». Pragmatique et ancré dans le réel, il s’éloignera doucement ou bien cherchera à le canaliser autrement, sans bruit et sans même qu’il ne s’en rende compte. Le taoïste joue avec le violent et le neutralise habilement, ce qui suppose maîtrise du corps, agilité mentale et ingéniosité, depuis l’observation des lois du vivant. La tristesse contrôle la colère par exemple et le taoïste comédien pourrait se mettre à pleurer pour adoucir celui ou celle qui s’emporte. Pour autant et à bien les observer, le bouddhiste et le taoïste sont tous deux fondamentalement pacifiques, à la recherche de la sérénité intérieure comme extérieure.
  7. La voie du juste milieu : ce concept de modération en toute chose est bouddhiste mais également confucianiste. Cette notion n'existe pas dans le taoïsme car elle n’existe pas dans la nature qui sait se transformer en tempête, en orage ou en inondation. La nature est dans un état d’harmonie plus de 95% du temps mais ne respecte pas toujours le principe du « juste milieu ». Le taoïsme préfère le principe naturel de la spontanéité (Ziran), à l’image de l'enfant capable de hurler ou et de devenir aussi calme que le lac en quelques secondes ou bien du chat tranquille qui lance sa patte foudroyante en un instant. Modèle archétypal pour les taoïstes, l’enfant ne connait pas le juste milieu. Pour les tenants du Tao, cette recherche absolue du juste milieu n’est pas naturelle, elle est le fruit du mental humain et peut nuire à la spontanéité. Artificiel, le compromis du juste milieu est souvent perçu par le taoïste comme synonyme de compromission.
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    7 nuances d'éveil pour le plan de la Terre

    1. Le rapport à la matière : Pour les bouddhistes, la matière est illusion et un obstacle à la connaissance du Soi. Sortir du cycle des incarnations suppose de bien comprendre que la réalité véritable et l’affranchissement de la souffrance se trouvent ailleurs et sur d’autres plans. Dans e=mc², ils conservent « e » mais méprisent « m ». Bouddha déclare ainsi que "la matière est dépourvue de Soi. Si la matière était le Soi, le corps ne croitrait pas et l'on se sentirait pas la douleur, on devrait exercer sa volonté sur elle sans obstacle et prendre la forme qu'on désirerait. La matière est impermanente et soumise à la loi de transformation (...) Aucune matière n'est ni moi ni autrui, n'appartient ni à moi ni à autrui". A ce titre, le bouddhiste se détourne de la richesse, de la sexualité et plus largement des désirs. A rebours de la conception des « adeptes de la fuite », le taoïste accepte que la matière porte la réalité de notre plan vibratoire, le plan qui permet l’expérience de l’incarnation et qui exige la sujétion aux lois de notre univers (gravité, temps et espace…). A l’illusion bouddhiste, le taoïste préfère l’idée de la fractalité, l’idée que le Ciel et la lumière puissent résider dans la matière. C'est parce que le grand contient le petit qu'il n'existe ni limite ni frontière nous dit Lie Tseu. Là où pour les bouddhistes, le plan de la Terre n’est pas le plan véritable, pour les taoïstes les plans sont interdépendants. Mieux encore, le plan du Ciel est contenu dans le plan de la Terre, la lumière céleste (de la vie) s’y trouve et le plan de la Terre peut permettre d’accéder de son vivant au plan du Ciel. La Grande Unité (le Un) réside dans le « Trois » et les 10 000 êtres de la matière. L’alchimie interne permet par ailleurs d’inverser l’ordre des plans et de faire venir en-bas ce qui est en-haut : Le Ciel existe au-dedans, l’homme existe au-dehors affirme Tchouang Tseu. Lie Tseu va plus loin encore : notre univers est-il contenu dans un univers plus grand encore ? Sans se poser toutes ces questions, le célèbre poète chinois Li Po de son côté préfère boire abondamment pour se rapprocher par l’ivresse des plans célestes, apportant ainsi la preuve de leur étroite connexion.
    2. Le rapport à la nature, aux animaux et au vivant : Le taoïste véritable cherche le contact direct avec la nature car l’homme dépend des lois de la Terre (météo, saisons, vieillissement…) alors que pour les bouddhistes, la nature comme la matière ne sont qu’illusion. Le taoïsme fait primer le rapport à soi, à la nature et au Ciel, le bouddhisme à la compassion et à l’illusion du monde. Un taoïste n’écraserait pas un ver de terre car il vit en harmonie avec la nature et sait dans son tréfonds qu’il pourrait faire le bonheur d’un oiseau, qu’il contribue au vivant et à assurer la chaîne alimentaire. De son côté, le bouddhiste aura tendance à penser que ce ver de terre est peut-être la réincarnation d’une âme humaine. Le taoïsme est un cosmocentrisme ancré dans la Terre puis dans le Ciel, le bouddhisme davantage une voie d’éveil somme toute très anthropocentrée. Si l’on osait une synthèse taoïste, on pourrait dire que le bouddhisme renvoie au Cœur (Plan de l’homme) et à l’esprit (Plan du Ciel). Le taoïsme de son côté renvoie au corps et aux lois terrestres (Plan de la Terre) mais également de l’esprit (plan du Ciel). Si on devait représenter les voies par les centres énergétiques du corps, on obtiendrait l’illustration suivante :
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    3. Le don, l’offrande : Le bouddhisme est une voie d’éveil du soi qui passe par l’offrande et le don, l’entraide et la communauté. Le taoïsme est davantage en relation avec le cosmos et la Grande Conscience, avec ce qui est dans la forme et qui dépasse l’humain (la vie, la nature), avec le sans-forme et l’au-delà du Ciel. Tout est déjà là et le don ne se justifie que dans la spontanéité du moment, dans une sorte de nécessité du réel et de logique de l’instant pour installer ou éviter de perturber l’harmonie. Le don ne doit pas être systématique ou ritualisé au risque de perdre son énergie et sa spontanéité, de tomber dans l’habitude, la mentalisation automatisée et désincarnée de l’acte. Le don sincère n’est pas recherché, il est la conséquence dans l’instant de ce qui est juste pour faire circuler l’énergie et installer (momentanément) l'équilibre de toutes choses. Dans un certain nombre de cas, le don ou l’offrande n’est pas nécessaire car non à-propos ou insincère. L'amour n'a pas toujours besoin de "preuves d'amour", ritualisées et tangibles. Aimer, c'est savoir dire je t'aime sans parler disait Victor Hugo. Là où est l’insincérité réside la force. Là où est la force stagne l’énergie et recule l’harmonie.

    4. La sexualité : La sexualité est pour les taoïstes une perte d’énergie. Si les relations sexuelles ont lieu, la rétention séminale est essentielle pour les hommes pour favoriser la longévité (Yang Sheng) et le processus d'éveil. On a traité de ces notions dans un autre article. Le bouddhisme se détourne de la sexualité par l’attachement à la matière qu’elle peut produire. A noter cependant que le taoïsme avec le Qi Gong sexuel comme le bouddhisme avec le tantrisme admettent la possibilité d’accéder à l’éveil en couple et au travers du mélange des souffles du corps.

    5. Le rapport à la musique et aux odeurs : La musique et l’encens bouddhiques élèvent la fréquence vibratoire du corps, permettant à l’esprit du disciple de quitter la Terre et la matière, de faire apparaître l’illusion. Le taoïste de son côté, connait la difficulté du retour dans le corps, de la réincorporation. Il est facile de partir, bien plus délicat de revenir dans ses cellules et certains pratiquants imprudents ou mal guidés restent « en haut ». Dans ce jeu d’alternance de la Terre et du Ciel, le taoïste préfère les odeurs et les sons bruts de la nature, l’effleurement du vent dans les feuilles de bambou, le bruissement des brindilles agitées par les animaux, le tintinnabulement d’une goutte d'eau dans une flaque ou le rugissement d'un torrent. La musique bouddhiste est trop humaine pour le taoïste, trop mêlées d'émotions susceptibles d'éloigner le calme ou la spontanéité. Chaque jour, abandonne quelque chose nous dit Lao Tseu. La musique des hommes fait partie de ces détachements possibles.

    6. Le rapport au corps : On y a déjà fait référence, c’est l’une des différences fondamentales entre les deux voies. Les taoïstes ont toujours pris un soin particulier de leur corps (alimentation, hygiène, pharmacopée, exercices énergétiques voire martiaux…) pour plusieurs raisons :

    • Vivre le plus longtemps possible en bonne santé permet de se laisser le temps d’avancer sur la voie. Il ne faut jamais oublier que l’espérance de vie moyenne de l’humanité jusqu’au XVIIè siècle était d’une trentaine d’années seulement. Vivre le plus longtemps possible était le moyen d’avancer sur la voie, de disposer de temps pour pratiquer, vivre l'expérience et être enseigné sur le plan terrestre, par un maître ou par le Qi.
    • Le corps contient par ailleurs l’intégralité de l’univers et de la vie. Vivre bien dans son corps est le meilleur moyen de comprendre les lois du vivant et de l’univers, de se rapprocher de l’Origine. La Source est en soi et vibre dans chacune de nos cellules, la lumière du Ciel se trouve dans nos tissus. Il apparaît absurde au taoïste de maltraiter le véhicule qui va lui permettre d’accéder de son vivant au Grand Mystère.

    A rebours, les bouddhistes considèrent que la matière est une illusion et que la réalité n’est pas de ce monde ou pas dans cette forme. De ce fait, les disciples du « Grand Vénérable » n'hésitent pas à martyriser ou à vieillir prématurément leur corps en lui faisant endurer de multiples sévices. Certains Yogis indiens passent leur vie à 4 pattes pour étirer leur colonne vertébrale. Négligeant leur enveloppe corporelle, de nombreux bouddhistes sont de santé fragile. Certains taoïstes à la dent dure ont même troussé ce proverbe : « Être malade comme un moine zen ».

    Le bouddhisme a tendance à déconsidérer le Plan taoïste de la Terre alors que le taoïste considère que le Ciel y réside et que tous les plans sont liés entre eux. Agir sur la matière agit sur les plans célestes. Sur cette base, l'alchimie taoïste consiste précisément à partir du plan de la Terre, à prendre appui sur son enveloppe corporelle (accumuler, purifier, faire circuler puis raffiner l’énergie dans le corps) pour rejoindre le plan du Ciel de son vivant, à ressentir dans nos cellules notre dimension véritable, lumineuse, cosmique, universelle, Consciente et éternelle.

    7. La pratique du Qi Gong alchimique : Tout ce qui précède se retrouve dans la pratique énergétique du Qi Gong où :

    • La respiration taoïste est inversée (FEU) pour stimuler le corps, la respiration bouddhiste est naturelle (EAU) pour pacifier l’esprit.
    • Les formes bouddhistes recherchent principalement l’éveil, les formes taoïstes travaillent surtout la santé et la longévité (le 1er étage du temple, la Terre) préalable à la voie alchimique du Ciel.
    • Les Qi Gong bouddhistes travaillent beaucoup sur la concentration et la discipline mentale car l’esprit l’emporte sur le corps (« La douleur n’existe pas… »). Le Qi Gong taoïste goûte le Qi Gong spontané où le corps bouge sans l'intervention du mental.
    • Les taoïstes induisent puis laissent agir les 5 éléments. Les bouddhistes souhaitent davantage rester maîtres des 5 éléments. Le travail des bouddhistes est plus strict que les taoïstes qui se contentent de suggérer.
    • Les taoïstes préfèrent réaliser l’intégralité de la forme de Qi Gong. Les bouddhistes n’hésitent pas à la découper en sous-parties et sous-exercices.
    • Les bouddhistes récitent des mantras (108 fois et plus) jusqu’à épuisement. Les taoïstes limitent généralement le nombre des sons à 9 pour éviter les pertes d’énergie.
    • Le Qi Gong taoïste joue avec les orientations cardinales et travaille avec l'énergie des plantes ou des arbres, jugés trop matériels pour les pratiquants bouddhistes.

    Pour en savoir plus :

    • Cyrille J.-D. Javary : « Les Trois sagesses chinoises » – Albin Michel, 2010
    • Henri Maspero : « Le taoïsme et les religions chinoises » - Gallimard NRF, 1971.
    • Wumen Wuikaï : "La Passe sans porte : les enigmes des grands maîtres zen", Points, 2014.
    • "Le livre des sagesses", Bayard, 2005

    Article connexe : Les 3 sagesses de la Chine traditionnelle

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